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Un modèle du vingtième siècle, 1903-1991. DR. G. PELISSIER
4 août 2011

Un modèle du vingtième siècle. DR. G. PELISSIER

 

 

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Professeur Pierre Goinard

 

Un modèle du vingtième siècle, 1903-1991

 

1- L’ascension fulgurante, puis la

Clinique thérapeutique et chirurgicale

Bichat Nélaton d’Alger

Les publications

 

2- L’exil lyonnais, 1962-1973

 

3- Le patron à Marseille

. L’œuvre française en Algérie

. L’Unité

. La désinformation

. Le souvenir de l’œuvre de la France

 

 

 

 

Docteur Georges Pélissier

Son disciple

 

 

 

 

 

 

 

Ernest Goinard, son père, paraissait très différent du

fils Pierre.

Cependant son père fut le véritable et le seul maître de Pierre Goinard, qui revendique d’être de son École.

Toute la capacité de chirurgie de Pierre Goinard, sa rapidité, son tour de mains, fut héritée du père. Lui seul l’a enseigné en chirurgie, l’a entrainé aux concours, l’a initié dans l’art de présenter des malades, lui a inculqué par de patientes répétitions cette médecine opératoire où il était passé le maître.

Comme lui il fut un homme d’une rigueur extrême, manifestée au cours de notre exode, dans sa lutte pour obtenir un poste équivalent à celui d’Alger, dans ses paroles, ses écrits, pour la défense, l’admiration, l’honneur du peuple français d’Algérie.

Comme lui, il obtint très vite les titres hospitaliers et universitaires.

 

Mais Pierre Goinard, grand et distingué, était sensible, compréhensif. Il fut poète. Il écrivit, sans arrêt, souvent au crayon, tous les éléments de son esprit et de son cœur, de ses sentiments, de sa vie.

De son aveu même, le jeune bachelier n’était pas tenté par la médecine, mais attiré par les lettres, la poésie, la musique, la géographie, l’architecture.

 

L’adolescent de 16 ans va satisfaire cependant le vœu le plus cher de son père, fairede la médecine.

Il s’inscrira sans enthousiasme au PCN de 1919-20.

Mais il sera comblé quand Ernest Goinard lui offrira un squelette entier pour l’initier à l’ostéologie. Il a admiré « ce chef d’œuvre d’adaptation fonctionnelle ».

Comme le père, il obtint très vite les titres hospitaliers et universitaires.

Reçu à l’externat en 1921, il est interne en 1922, lauréat du prix Poisson en mars 1927. Il alla chez le Professeur Canges en 1922 et y apprit la chirurgie oculaire, tenant un cahier que je possède.

Intéressé par l‘anatomie. Il devint aide d’anatomie en 1923, prosecteur en 1926 et candidat avec De Ribet, à l’agrégation d’anatomie, faisant la joie de son maitre Elie Leblanc. Son étude de la vertèbre dorsale a fait sensation et le grand Rouvière l’incita à poursuivre dans cette voie.

Mais il fut admis Chirurgien des hôpitaux en juin 1927, réalisant à 24 ans l’exploit inégalé de réussir au concours d’agrégation en anatomie !

Il choisit la chirurgie et sa thèse en doctorat, les « Splénomégalies algériennes » sera récompensée en 1928 par le prix de thèse de la Faculté.

Il deviendra Chef de Service titulaire en 1933, et reçu à l’Agrégation en 1939, prenant en mains Bichat-Nélaton, service alors le plus déshérité de l’Hôpital de Mustapha, avec la volonté de le transformer en service modèle.

Il sera Professeur de la Clinique thérapeutique et Chirurgie expérimentale en 1953.

 

Né le 23 juin 1903, il écrit son premier protocole opératoire le 26 novembre 1926, à 23 ans, n° 1689 en décembre 1933, à 30 ans. Il épousera Henriette Brigol en 1937.

Monsieur Goinard était l’ami d’Etienne Curtillet, de trois ans son cadet, à l’hérédité lyonnaise, son père ayant été Doyen de la Faculté d’Alger.

Il avait passé sa thèse sur les « Suppurations pulmonaires » et avait écrit sur l’ouvrage donné à monsieur Goinard, « A mon ami, Pierre Goinard. Je lui dois beaucoup du meilleur de ce que je sais. Je n’oublierai jamais qu’il a toujours été pour moi un aide affectueux, un conseiller précieux et enfin un bel exemple que je m’efforce de suivre avec affection et admiration ».

 

Mais si Ernest Goinard avait choisi son fils pour lui apprendre la chirurgie, le préparer aux concours, à la médecine opératoire où il était maitre, il fut atteint par la limite d’âge en 1932.

Curtillet, élève du Professeur Costantini, agrégé lui aussi en 1939, fut nommé, avant Pierre Goinard, Professeurde Clinique Chirurgicale Infantile, en 1946.

Curtillet fut ainsi désigné Professeur de Clinique Thérapeutique Chirurgicale, en janvier 1950.

Son accident mortel de voiture en été 1950 modifia le choix. Pierre Goinard. Il écrira dans la Presse Médicale du n° 68 d’octobre « Devant lui, le plus magnifique épanouissement d’une carrière dont la trajectoire avait été la plus harmonieuse et la plus rapide… déjà désigné comme futur professeur de Clinique… c’est une perte absolument irréparable, un vide qui ne pourra jamais être comblé… ».

Mais monsieur Goinard avait réalisé que la disparition brutale de son ami lui ouvrait grand, après la mort accidentelle du Professeur Costantini l’année suivante, le poste de la Clinique thérapeutique et Chirurgie expérimentale.

Sa leçon inaugurale du 17 janvier 1953, il avait 49 ans, en découlera.

 

Monsieur Goinard fut membre de la Société d’Anatomie en 1927 et de la Société de Chirurgied’Alger, de l ‘Association française de Chirurgie en 1928, de la Société de Chirurgie de Lyon en 1931, de la Société de Biologie d’Alger en 1935, de l’Académie de Chirurgie en 1945.

Sursitaire jusqu’en 1930, il fut affecté à l’Hôpital Maillot et détaché à Blida comme médecin lieutenant, médecin de réserve en 1931.

Pierre Sutter, devenu son ami, évoque cette époque où monsieur Goinard n’hésitait pas à prendre le train chaque semaine, pour poursuivre la préparation de ses élèves et poulains à l’internat !

 

En 1933, il obtient son premier Service à l’Hôpital Parnet, à Hussein-Dey, ayant sous ses ordres René Bourgeon et André Curtillet, qui mourra dans Strasbourg libérée en 1944.

Il y consacre totalement ses matinées, et réserve l’après-midi à la clientèle privée, pour ses consultations et opérations.

Il reçoit au 6 de la rue Ménerville, avec son éternelle et digne secrétaire.

Il conduit sa voiture de la clinique Solal, rue Claude de Bussy, à la clinique Lavherne, avenue Pasteur, aux Orangers Colonne Voirol, à la clinique de Verdun en bordure de la Casbah. Les trois communautés d’Alger, chrétienne, arabe et juive, y affluent.

En fin de 1940, madame et monsieur Goinard habitèrentau Balcon Saint-Raphaël, à El-Biar, cette situation privilégiée ayant des accès directs vers ses lieux de travail, Solal et Laverhne par les Tagarins, les Orangers par les avenues Joffre et de Bourmont, clinique de Verdun par la rampe Vallée et le Boulevard de la Victoire, son cabinet rue Ménerville.

 

En 1939, Pierre Goinard fut reçu au Concours de l’ Agrégation en Chirurgie, en même temps que Curtillet.. Sa leçon sur les Paraplégies pottiques fait sensation.

C’est aussi la seconde Guerre Mondiale. Mobilisé le premier septembre 1939, il est appelé à l’ambulance chirurgicale de Gafsa comme médecin Capitaine. Il est dirigé ensuite en juillet 1940 à l’Hôpital Maillot, démobilisé en août.

Rappelé en 1943 lors du débarquement anglo-américain, il fut promu médecin-commandant à l’ Hôpital auxiliaire Barbier Hugo, puis démobilisé le 24 novembre 1945, nommé médecin Colonel en 1957.

 

Les vingt années de sa vie professionnelle se déroulent.

Il a mené de front à Alger bombardée la chirurgie générale, militaire et civile, et a organisé de toutes pièces, un service de Neurochirurgie, au Dispensaire Ecole de la Croix Rouge, importante lacune à combler.

Pendant l’été 1942 il va s’instruire chez Clovis Vincentà Paris, le côtoyant déjà au Comité Consultatif des Universités.

Revenu de la capitale trois jours avant le débarquement Anglo Américain en Afrique du Nord, il a entrepris la transformation du Dispensaire, en Centre Barbier-Hugo, dans la périmètre de l’Hôpital militaire Maillot, en un Hôpital Clinique de neurochirurgie.

Il est aidé par le Professeur Lombard, dirigeant alors la Croix Rouge.

Il en assumera la direction de 1943 à 1945, avec l’aide d’une admirable directrice, mademoiselle Riudavetz

Deux jeunes assistants Pierre Descuns et Henri Garré vont y travailler, mais aussi pendant plusieurs mois, le célèbre neurochirurgien Pool, de New-York, madame Lepintre, élève de Clovis Vincent, René Stricker élève de Leriche, réfugié de Mulhouse.

Descuns et Garré deviendront riches d’une incomparable expérience, tous deux Chirurgiens des Hôpitaux, Descuns devenant le premier agrégé de l’Ecole Goinard.

 

Parallèlement notre Maitre poursuivait son activité à l’hôpital de Mustapha et en clientèle, faisant, dans ces journées, jusqu’à 14 opérations par jour.

Elles furent favorisées par l’apport de la pénicilline et la perfection de l’anesthésie générale, survenus après le débarquement allié.

La pénurie d’essence à l’époque, l’avait conduit a utiliser souvent un vélomoteur, puis une moto.

C’était aussi de nombreux séjours dans une campagne, près du Plateau de Guyotville, sous l’oued Béni-Messous, près du cultivateur Mengual, sous la chanson cristalline du roulement des norias.

Ces brefs moments de détente, de promenades cyclistes près de la forêt de Baïnem, servaient aussi à l’approvisionnement en aliments, dans cette période de disette. Il rencontra, montant à cheval, le Général Eisenhower.

 

La guerre, gagnée dès 1945, il est chargé des vieux pavillons Nélaton pour les femmes et Bichat, anciennes maisons de son père. Il les aménagera en un superbe service.

Externe en 1947, j’avais choisi cet ancien service, avec l’énorme et petite sœurMathilde, très vive au verbe sonore, au début bourrue, refuge de toutes les détresses, de tous les démunis, dispensant les loisirs aux malades, avec le cinéma chaque semaine

Les Sœurs de Saint Vincent de Paul, avec leurs immenses cornettes, dirigeaient alors l’Hôpital !

Ce fut mon premier pas auprès de mon Maitre.

J’ai revu, chez moi, sœur Mathilde avec monsieur Goinard en 1965, narrant la détresse de l’hôpital de Mustapha, recevant plus tard, après 50 ans de service, la Légion d’honneur.

L’ancien Nélaton était encore intact, sous les services Lisfrancs au-dessus, Sédillot au-dessous.

Sœur Mathilde était entourée du dévoué Marcel Ménard, vélocipédiste en culottes, responsable des plâtres, avec son ami François Ruhl, homme bienveillant à tout faire. Elle avait auprès d’elle le distingué Moktar, le blond Jean Giovanelli, Vincente Viannet, Simone Seban, fille du directeur de l’hôpital.

Le service des femmes, salle Bichat, était le domaine de Sœur Cécile, un peu froide et distante, entourée de mademoiselle Arcamoni, d’Andrée…

L’école était alors formée de Jacques Ferrand, de Jean Pégullo, qui a sept ans de plus que moi et deviendra mon ami, avec qui je serais l’un des deux assistants de monsieur Goinard. Debaille l’air magistral, suivait Ferrand, de même Claude Elbaz chassé par le professeur Séror du service du Professeur Duboucher. Paul Butori était urologue, le petit et entreprenant, Pierre Gautray gynécologue

Les fidèles Pierre Descuns et Henri Garré étaient les neurochirurgiens.

Mon ami Pégullo a une belle tête d’athlète, les lèvres fines, les sourcils épais, le menton carré avec les pommettes saillantes, l’allure sportive, aimant la mer.

Venu bien sur le tard de Métropole, il semble retiré, peu expansif, au langage concis, d’allure prude et brutale, rude, avec un respect filial pour notre patron, dont il n’oublie jamais l’anniversaire. L’affectueux monsieur Goinard a souvent absous ses propos, avec son indulgence de notoriété publique.

Tous deux sont devenus les Assistants chirurgicaux du Maitre, ayant choisi, ensemble le temps plein en 1961. Nous sommes demeurés plus tard amis, jusqu’à notre vieillesse. Il a 90 ans, à la voix inchangée, et me téléphone parfois.

 

Interne au premier semestre 1951, j’ai appris à l’hôpital Parnet la chirurgie plastique avec le professeur Félix Lagrot, et fait deux stages de chirurgie thoracique avec le professeur Liaras et Jean Houël, chirurgie délicate du poumon et de la plèvre, stages très utiles à Alger, où j’ai passé ma thèse sur le Kyste hydatique du poumon.

Le reste de l’internat s’est déroulé chez mon maitre,monsieur Pierre Goinard, qui écrit :

« Il y a 10 ans que j’ai pris en mains le service le plus déshérité de l’hôpital de Mustapha, avec la volonté de le transformer en un Service modèle.

J’ai fini par obtenir la construction d’un bloc opératoire qui sera en service en 1951. Il est, à ma connaissance, le plus moderne et le plus complet de France, avec ses coupoles Blin.

Mais ce bloc opératoire serait une tête sans corps, si les deux pavillons d’hospitalisation qui en dépendent, n’étaient transformés.

L’administration l’a très bien compris et m’a accordé l’an dernier, la reconstruction d’un tiers de l’un de ces deux pavillons ».

L’architecte était monsieur René Vasselon, Emile Garnier, à l’air digne et sérieux, et Dupuy de la Grand Rive, les maîtres d’ouvrage. Je me souviens de Garnier attrapé brutalement par Pégullo, qui suivait ces travaux, un samedi matin.

Les travaux successifs seront terminés en 1954, avec des baraquements d’hospitalisation provisoires.

 

Je parcours, dans mes souvenirs, ce service exceptionnel, lieu d’un travail privilégié, dans une incomparable atmosphère d’unité, d’enthousiasme , fructueusement.

Après quelques longues marches d‘escalier, entre hibiscus, strelitzias, lauriers roses, bananiers nains, nous pénétrons par un péristyle de quatre obélisques et par l’embrasure vitrée à un vaste et lumineux hall d’accueil, avec derrière les glaces, le jardin exotique séparant Nélaton et Bichat, et ses deux grands palmiers.

François Ruhl, derrière le large bureau de bois clair, reçoit les arrivants, répond avec courtoisie au téléphone.

Madame Naves, succédant à madame Schlutter, est l’intendante qui a l’œil à tout, surveillant l’entrée du bureau du maitre à gauche. Elle est à ses côtés aux heures de pointe, contrôlantles coins de l’édifice, l’emploi du temps des 128 agents médicaux.

Par de larges dégagements latéraux avec escaliers et ascenseurs, le hall débouche sur les deux niveaux d’hospitalisation, à droite Bichat, avec les hommes au premier, les femmes au second, à gauche Nélaton aux deux étages similaires.

L’imputation des hommes incombe à Sœur Mathilde, celle des femmes à Sœur Cécile. Chaque niveau a son réfectoire.

Au dessus du hall, une vaste salle sert aux colloques, aux examens, aux concours.

Le fond du service est le POBN, pavillon opératoire du rez-de-chaussée, avec les deux salles en dôme éclairés en totalité par des coupoles Blin, constellation de dizaines de projecteurs à protection thermique descendant à un mètre du sol, commandées dans un pupitre blanc par des poids

Au-dessus de la coupole ,avec longs hublots sont les étudiants, à portée de vue de l’intervention, commentée par laryngophone.

Les équipes intervenant arrivent par deux sas, de déshabillage, le moustachu Achour faisant entrer, à côté, les patients.

Je me souviens de monsieur Goinard se déshabillant par moitié, chemise puis blouse opératoire, masquant une poitrine très velue, dont madame Goinard souriait à ma visite du soir, car il avait la même habitude sur la plage, étant jeune.

Un vaste vestibule entre les deux blocs avait en son centre une grande vasque d’acier avec quatre lavoirs stériles.

Une salle étroite de prés et post anesthésie sépare le couloir de chaque salle.

Touchant la salle jumelée droite, existe une troisième salle opératoire, vaste cube d’orthopédie à table d’Albee, aux feux radiologiques de haute puissance, l’un vertical descendant de la bibliothèque sus jacente, l’autre mobile.

Cette salle est séparée par un cabinet de développement, les clichés étant présentés derrière une lucarne vitrée, développés, par la grande et frisée mademoiselle Caillard.

Nous y opérons aussi les voies biliaires avec notre maitre, sur une double planche de table horizontale, imaginée par Pégullo.

Au-dessous du bloc est la stérilisation de mesdemoiselles Théry, Bachelot, de Sardin, un ancien marin, des solides frères Ballester, du brun Djemaï. Les outils et champs salles y descendent. Les stériles y remontent par un autre hublot.

Les anesthésies sont faites par les docteurs Alain Mauduit ou madame Bernollin, les infirmières Jacqueline Groulier, qui m’endormait aussi les chiens de chirurgie expérimentale, Jacqueline Labadie qui périra dans un accident de ski, mesdemoiselles Moreau, Lacouture, Pourchon, Maraval, Buisson, Lamarre, Venturini, mesdames Caserta et Fellus.

Au-dessus du bloc est donc l’étage des étudiants, y accédant par quelques marches, et le long laboratoire biologique d’Edmond Rosa, ancien interne de 1949, chauve, mince et si agréable, qui s’est perfectionné à Paris, envoyé par monsieur Goinard, avec le maitre Polonovski. Madame Mondzain-Lemaire, (major lors de l’internat du patron), les laborantines Christianr Habert, fille du général d’ aviation, madame Capdevielle, François Nobile, le dévoué et boiteux chimiste Jean-Pierre Sébéon, Jeanne Béhéty, au pair chez le patron, côtoient Rosa. Tous les examens de laboratoire sont reçus immédiatement en chirurgie.

A l’angle de droite, au deuxième étage, est installée la belle bibliothèque aux boiseries d’acajou, havre de fraicheur. Les meubles, aux tablettes rétractables, abritent des livres énormes, de trois générations de Goinard, et par les subventions de la Sécurité sociale.

Tous les ouvrages de chirurgie, d’anatomie, de précieux livres anciens, avec des collections presque introuvables, parfois le premier numéro, toutes les revues chirurgicales françaises et étrangères, reliées chaque année, grossissent l‘assortiment.

Des tables et des chaises d’acajou terminent l’ameublement, avec le pilonne médian, entouré de bois, de la radio verticale. Que de souvenirs s’y rattachent, de réminiscences cachées.

Dans un étroit cagibi du fond gauche, fermé, sont posés les deux appareils photographiques Exacta, les flashs, l’appareil en 16 millimètres du cinéma, le matériel de développement.

Nos techniques sont filmées par les chirurgiens, celles de Pégullo par moi, celles de Pélissier par Pégullo.

L’étroit secrétariat donne dans la bibliothèque, avec une fenêtre du second, couverte par un arbre exotique aux fleurs jaunes de printemps. Il est tenu par la titulaire, mademoiselle Beaudelaire

Sur ce couloir, au fond à gauche il y a une porte pour le petit amphithéâtre de 60 places, descendant en gradins au rez-de-chaussée, couloir central de Nélaton hommes

Au second, c’est le service climatisé des opérés récents, dirigé par Sœur Lucie, petite, mince, infatigable, à l’abnégation sans bornes, autoritaire et clairvoyante, aidée à la cuisine par la minuscule Sœur Augustine.

Elle a formé une pépinière d’infirmières brillantes, Cécile Andolfi Irène Catala, Andrée Pascual, Aline Marijon, Lucienne, Gaby, Coypel, Josette, Suzanne, Pons, Zakhia veilleuse de nuit avec Marinette, Jean et Rachid.

Sœur Lucie avait travaillé chez le professeur Lebon, et ce fut une cause définitive de désunion avec le professeur Goinard, très peiné. L’avenir du fils Lebon en OTL fut associé à la lettre de rupture du professeur Lebon, le 6 août 1958.

Sœur Lucie montra, en septembre 1963, une large plaque mince, superficielle, du sein droit. L’ablation ( prot 18021), le 23 septembre , montre une néoplasie mammaire. Subissant de la radiothérapie, elle fut réopérée par le patron le vendredi 1er juillet 1960 ( prot 18047). Elle disparut vite.

Sœur Eugénie la remplaçât alors.

La nouvelle salle Nélaton supporte un étage, pour la rééducation, école de kinésithérapie active, dirigée par monsieur Sanchez, mince et claudiquant, qui fut mon professeur de gymnastique au Lycée Bugeaud, et par madame Madeleine Le Moine, sœur d’Henriette Goinard, modèle de conscience. Elle me logera lors de la descente au Paradou des gendarmes, reprochant mon action dans l’ OAS.

Le reste de la terrasse est le terrain de kinésithérapie.

Au bout de cet étage ont été aménagées plusieurs chambres pour les infirmières et anesthésistes, résidant dans le service.

Sous le hall d’entrée est le grand amphithéâtre, climatisé et insonorisé, avec cent fauteuils descendant en gradins, un vaste bureau de chêne clair, en léger arc de cercle, placé sur une vaste estrade. Un grand rideau faune dévoilé, montre un immense écran.

En haut est une cabine avec tous les projecteurs, le cinéma, le lancement des radios.

Sous la salle Bichat, c’est au début l’entrée des urgences. Elle est suivie des consultations, sous le jacaranda à fleurs mauves, dirigée énergiquement par madame Gault, aidée de Simone Lacombe et de notre assistante sociale, mademoiselle Ricaud.

J’y serai le consultant en chirurgie générale, les docteurs Thiébaut et Soulié en médecine, le professeur Boulard en endocrinologie, Butori en urologie, Mme Surbled et Gautray en gynécologie, Debaille en orthopédie, Sanchez en rééducation, Gral et Blasselle en acupuncture.

Les salles de consultations se poursuivent en une grande salle d’opérations septique, avec un stérilisateur allemand ultra-rapide, où descend Claude Elbaz.

Les locaux de consultations sont exigus et les archives descendent au sous-sol de Nélaton, classées par madame Ivanoff.

Sous Nélaton sont aussi deux piscines thérapeutiques et l’électro-encéphalographie de la rousse mademoiselle Natter et de madame Arone, qui fut bibliothécaire de l’internat.

C’est aussi le grand service de radiologie climatisé, dirigé par le docteur Pierre Viallet avec le concours de Laurent Chevrot, de Di-Méglio, de Bénéjam et les manipulateurs Darbeda et Calistri.

On arrive enfin aux cuisines diététiques.

Si vaste et si complet qu’il soit, le service de monsieur Goinard se poursuit ailleurs pour la chirurgie expérimentale dont je suis assistant depuis 1956. J’utilise, le mardi, le bloc historique de l’ancien Bichat-Nélaton, où opérait Ernest Goinard, derrière la radiologie Centrale, à cent mètres du service.

Il y a une vieille salle servant de petit chenil.

Mademoiselle Jacqueline Groulier, future madame Bardot, endort les gros chiens en piquant la grosse veine interne de la cuisse, avec intubation et anesthésie en circuit fermé.

Je rase l’animal et, aidé d’un interne, mes opérations sont d’expérimentation biliaires, d’anastomoses artério-veineuse, pour déclencher une splénomégalie.

J’y fais souvent des films démonstratifs.

Je serai conduit, en vidéo diffusion, aux Entretiens de Bichat en 1959.

L’animal, conservé quelques semaines dans le chenil exigu, est renvoyé à Tixeraïne.

Tixeraïne est un domaine de 25 hectares, acquis par le patron. Il y construisit avec son ami allemand Gert Bacques, pétrolier, un centre de rééducation chirurgicale dirigé par Bardot, 120 lits utilisés dès 1955, avec 60 paraplégiques et un atelier de prothèse Striede, dirigé par monsieur Houradou.

Près de la chirurgie expérimentale, le docteur Debaille, sous les ordres du Professeur Ferrand, gère une banque d’os à - 40 degrés.

Dans ce service moderne, au sein des jardins de Mustapha, le système pavillonnaire apparait irremplaçable, permettant les rencontres entre praticiens, entre étudiants, l’ensemble étant fusionné pour ce fonctionnement médical et chirurgical. Certes le vieux Mustapha avait disparu mais les blouses blanches continuent à circuler dans l’allée centrale.

 

J ‘avais été étonné par l’arrivé de médecins réanimateurs, mobilisés de la métropole à l’Hôpital Maillot, où je faisais mon service militaire, obtenant après des examens de laboratoire urgents, ou pendant l’opération des survies de réanimation.

Cette spécialité était absente chez nous et je pense que monsieur Goinard, la mésestimait, car elle manquait à Bichat-Nélaton.

Quand j’ai opéré à Marseille à la Résidence du Parc, les anesthésistes, les médecins réanimateurs amis, Di Costanzo, Martin, Cano, Mademoiselle Faizende, surveillaient et traitaient mes patients. Jamais je ne me suis levé la nuit pour revoir des opérés graves, ma confiance étant totale, sans mortalité.

Il n’en fut pas de même à Lyon pour mon patron, tracassé, surtout la nuit par ses opérés.

 

La personne physique du professeur ne passe pas inaperçue. Grand et svelte, le buste à peine penché en avant, son regard doux, à travers des grandes lunettes dorées, les grands yeux bleu clair, sont souriants et pénétrants. Il frappe par l’amabilité et la chaleur de sa parole, pleine de sollicitude et de courtoisie attentives.

Un grand front, avec un crâne presque chauve et en équerre, les pommettes saillantes, un nez un peu vouté, le menton non proéminent, dessinent une physionomie volontaire, d’une grande noblesse.

La rapidité de sa marche surprend les élèves le suivant dans le service, trottant pour le rejoindre.

Les mains élancées aux longs doigts, au grand pouce mobile, sont expressives, jointes par leur pointe, s’écartant progressivement, avec un langage élégant, sans effort, méprisant les recherches, chevilles, propositions toutes faites, lieux communs qui souvent lient les propos. L’index pointé martèle la parole, rythme la voix chaude, à l’éloquence élégante.

Quelle beauté ont ces mains, écrivant penché, d’une façon régulière et laissant partout ses idées personnelles.

Elles sont agiles et rapides quand il palpe, sépare, dissèque les organes, dextres et élégantes pour recoudre un viscère.

Cependant ces mains n’aiment pas le rigide, hésitent en plantant un clou, ne raffolent pas trop des os et de leurs matériaux, mon index gauche se souvenant du dérapage d’une scie électrique, frôlant le tendon.

Il portait constamment son alliance, que j’ai ôtée pour la donner à sa femme, lors de son rappel à Dieu.

 

Il est malcommode d’énoncer le caractère aimable du patron, à l’affut de toute acquisition nouvelle, écrite aussitôt, de son catholicisme de l‘enfance, de ses recherches ésotériques, tel le soufisme, de son délicat amour conjugal, vouvoyant sa femme, de son traditionalisme, de son attachement à certains disciples.

Quel sens de la hiérarchie, sans le moindre racisme, quelle aristocratie, en toute humilité, quel amour des malades se penchant sur les plus humbles, quel courage et conviction tout en sachant être indulgent et optimiste Il est pragmatique et poète, impétueux et raisonnable, avec une belle égalité d’humeur, sans jamais un écart de langage.

 

Devenu Professeur de Clinique thérapeutique et de chirurgie expérimentale, il fit sa Leçon inaugurale le samedi 17 janvier 1953.

Son père, âgé, étant présent, il a prononcé :

 

« Je suis devant vous ce soir à la suite d’un drame brutal dont nous ressentons aussi profondément qu’aux premiers jours la douleur et l’amertume. Il parlait d’Etienne Curtillet, être exceptionnel, opérateur hors du commun, mais il citait aussi les autres disparitions, un an plus tôt, son maitre le Professeur Costantini, et Marcel Turano, abattu par le typhus, Franceries, Morand, André Curtillet tué par un obus allemand en 1945.

Dans un premier chapitre, « hommage au passé », il décrit son grand-père puis son père. Il sait, dans la joie et l’émotion, lui offrir une manière de réparation tardive.

Il décrit son maitre en anatomie Leblanc, puis Argaud en embryologie, Tournade et Maillard en biochimie.

Le professeur Jahier, ami intime, fut son guide à l’hôpital, délié, alerte, habile, triomphal au concours d’Agrégation.

Une fois interne, son premier maitre fut Cange, au verbe incomparable. « Comme, à cette époque, les fonds d’œil étaient beaux »

Plusieurs prestigieux chirurgiens brillaient à Mustapha, Etienne Cabannes, au bistouri étincelant, monsieur Ferrari, intrépide, Joseph Curtillet, apportant les vertus lyonnaises.

Henri Duboucher, actif, rapide, sans précipitation, audacieux. Sa sympathie était accueillante. Notre patron « n’oublie pas qu’un sombre soir, où l’un de ceux qui me sont le plus cher était en danger, c’est vers vous que je me suis tourné avec une confiance et un espoir que vous avez comblé ».

Le Professeur Costantini, succédant à Eugène Vincent, a incontestablement pressenti la grandeur d’Alger, et a entrepris un ensemble de constructions dans son service, le premier, dont l’exemple a été suivi.

Le Professeur Lombard, « scientifique passionné, au don du mot juste, aux moulinets cinglants et redoutables. Sa consultation était un modèle inégalable… et quand l’enfant commence à regimber, frappant du bord cubital de sa longue main saccadée sur la table : en voilà assez ».

En pathologie humaine, monsieur Benhamou était le prototype au jeune interne de son intelligence et de son dynamisme. « Mon cher maitre, vous avez jeté un ferment de votre flamme à celui qui fut et qui reste l’un de vos disciples…Vous en possédez toujours le secret, dans votre extraordinaire jeunesse ».

Il fut ensuite l’élève de Maurice Raynaud et de son école imposante, un des premiers internes de monsieur Laffont, d’une extrême et prévenante sensibilité.

Plus tard seulement il approfondit d’autres personnalités, monsieur Aubry, humain et subtil, monsieur Lebon élégant, aisé et autoritaire, nimbé de distinction parisienne, glorieux souvenir de cette époque, enfin à deux anciens maitres dont il n’a pas été l’élève, Courrier parti à Paris, le Doyen Hermann retiré à Lyon.

Dotées de telles personnalités, « la jeune Faculté d’Alger aurait dû avoir un extrême rayonnement, si elle ne s’était repliée sur elle-même. Il faut franchir le stade de cette époque individualiste

Dans un monde qui se meurt d’éparpillement, de duplicités, de désunions, le salut est un immense effort continu vers l‘unité, la fin directe étant le secours aux malades. Dans notre civilisation dissolvante et explosive, recherchons toutes les armes les plus modernes.

Nos étudiants, futurs médecins ont besoin dans leur bagage d’un diagnostic éclairé, précis

« Il est humiliant de penser qu’une année de pratique personnelle, puisse instruire les étudiants, plus que 6 années d’enseignement organisé. Le livre est insuffisant. Le recueil de feuillets mobiles, innovation remarquable du Professeur Laffont, est un peu compact. Un aide mémoire, incessamment remanié n’existe pas encore. En attendant il faut réduire, ramasser nos entretiens en quelques aphorismes lapidaires, restant, eux, gravés dans les mémoires.

Nous restons trop attaché au bel exposé académique, spécifiquement Français, auquel les étudiants ne viennent pas.

Introduisons par des moyens actuels, polycopie, affichages, projections enregistrements sur films ou sur disques, leurs yeux blasés, leurs oreilles désabusées ».

Cette connaissance abstraite ne peut dispenser d’un contact personnel avec les malades, dans les chambres d’hôpital et dans les consultations.

« Il est indispensable que la sixième année de médecine soit une année de médecin résident, en profitant des hôpitaux d’Oran, de Constantine, de Sétif et autres, avec un contrôle sévère.

Il est décevant, pour l’alma mater, que l’enseignement le plus fouillé se réalise en dehors d’elle, dans les conférences d’internat et à un moindre degré d’externat.

Mais il arrive, au moment des concours de constater des erreurs, la prédominance du laboratoire, l’exposé fastidieux de théories physio pathologiques périmées, le rappel de thérapeutiques désuètes, une énumération surannée de noms propres.

Ce serait aussi un moyen de parfaire l’éducation des jurys, car nous sommes en partie responsables des déviations que nous déplorons. Nous avons trop sacrifié à l’érudition, à nous éloigner des malades, pour nous évader dans la science de la maladie. N’oublions jamais de nous mettre, en toutes circonstances, à la place de notre malade et nous verrons souvent nos indications opératoires meurtrières se modifier, pour même disparaître.

Il y a entre eux, les jeunes et nous, les plus enrichissants échanges. Nous ne saurions dire, nous ne pensons plus même à distinguer ce qui revient à eux ou à nous-mêmes

Le contact ne doit pas être rompu entre chirurgiens et spécialistes, non plus qu’entre les différents chirurgiens. Ils doivent demeurer groupés, échangeant leurs acquisitions respectives, s’informant, s’éclairant les uns les autres

De cette masse de documents élaborés, il importe de faire bénéficier les médecins qui nous entourent, en particulier les cours du soir, que nous inventerons 20 ans avant la France, sans les laboratoires.

L’éducation des collaboratrices ou collaborateurs soignants, des instrumentistes des anesthésies, est solidaire et responsable du Service

Dans un jury d’examens, les épreuves écrites s’apparentent beaucoup plus à des questions d’internat, qu’à des rédactions d’infirmières. Nos programmes sont formels, pas du tout orienté dans ce sens, et il nous faut renforcer leur préparation, être infirmières et infirmiers, plus soignant des malades.

 

Je ne promets pas la fortune aux futurs chirurgiens d’Algérie. Notre profession n’a pas fini de se démocratiser, mais je leur promets beaucoup de travail, car c’est un pays où il est inexact et presque criminel de parler de pléthore médicale.

La tâche est immense, par exemple dans l’énorme agglomération de Kabylie. L’unique solution et elle s’impose, d’extrême urgence, est de créer un corps social, honoré par l’Etat, de chirurgiens consacrant tout leur temps à un nouveau centre chirurgical régional, par engagement temporaire, dans les régions misérables. Ils ont la chance unique, pour leur expérience, par eux accumulée en quelques années ».

Les médecins musulmans n’ont pas fait confiance, dans leur ensemble, à notre Faculté, invinciblement attirés en France par la clientèle, et qui pourrait le leur reprocher

Nous aurons besoin d’un apport métropolitain et notre patron voyait juste puisqu’ à partir de 1956, la répression va de pair avec la médicalisation du Bled, initiative du gouvernement Soustelle, créant des Services d’Action Sociale de 700 équipes de médecins militaires, au pus fort des combats dans le bled, remplissant 13 millions d’actes médicaux.

Période ultime, recouverte aujourd’hui d’un linceul d’oubli, où ces jeunes médecins efficaces constituaient l’avant-garde d’une Algérie prenant un essor harmonieux, impulsé par le pétrole saharien.

Le colonel Riché, après la descente définitive de nos couleurs, disait : « l’action militaire, sociale et humaine accomplie ici, reste pour tous un témoignage de l’œuvre civilisatrice de la France en Algérie ».

 

Monsieur Goinard termine sa Leçon inaugurale ainsi : « Mais c’est dans l’Unité que tout le sens de l’existence est contenu. Toutes nos souffrances, tous nos désirs, nos misères et nos grandeurs, ne se ramènent-elles pas, de réduction en réduction, à l’aspiration de notre Dualité vers l’Unité, au retour à cette unité perdue, dont nous gardons en nous l’implicite et nostalgique souvenir ».

 

Le petit amphithéâtre sert le lundi matin à deux présentations de malades, puis à des mises au point sur un sujet à l’ordre du jour par un assistant, Jacques Gardel, Jean Houël,… à l’entrainement aux concours.

Le programme opératoire est élaboré, varié, le lundi Debaille, le mardi Ferrand et Gautray, le mercredi Goinard et Pélissier, le jeudi Ferrand Gautray et Elbaz, le vendredi Pégullo, Descuns,et Garré., Goinard et Pélissier Les consultations sont réglées et aussi les opérations en urgence.

Des questions d’internat, choisies par le patron, sont élaborées par nous, pour les étudiants, présents la matinée, à des jours établis.

Nous admirons la clairvoyance du diagnostic de monsieur Goinard, son sens clinique, les qualités didactiques de ses exposées et commentaires, sa façon élégante de critiquer nos fautes.

Du haut en bas de l’échelle les assistants en retirent un enseignement sans faille. Le patron se plait à nous dire qu’il puise dans ces entretiens un rajeunissement constant, une mise à jour de ses connaissances, dans tous les domaines

 

La visite générale a lieu le samedi, derrière le patron escaladant les marches, le peloton médical et infirmier s’essoufflant, à quelques longueurs de retard.

Un samedi par mois, à 11 heures, le grand amphithéâtre reçoit les séances de la Société de Chirurgie d’Alger, les cent places occupées, débordant sur les gradins.

Les communications sont nombreuses, brèves, précises, suivies de débats, l’émulsion étant vive entre les écoles.

J’ai pris la décision de m’engager dans l’étudedes problèmes, aux questions mal résolues, du foie et des voies biliaires, du pancréas, avec le soutien de monsieur Goinard.

Deux soirées par mois, les praticiens de la ville affluent pour des conférences post universitaires, 20 ans avant qu’elles n’apparaissent en métropole, sans lunchs.

En fin d’année, deux journées sont consacrées aux acquisitions chirurgicales du monde, avec les chirurgiens et les anesthésistes d’Afrique du Nord, associant des films et des projections, retentissant au-delà des limites géographiques.

Plusieurs Congrès y tiendront leurs assises, dont le Congrès français de Neurochirurgie, en 1954.

Une grande partie des cérémonies du Cinquantenaire de la Faculté s’y tiendra, nos Maîtres en tenue noire et rouge.

 

En juin 1958, monsieur Goinard respectant l’ordre d’arrivée dans l’ Ecole, Jacques Ferrand, qu’il n’a pas formé, venant sans doute du service du Professeur Lombard, devient Professeur agrégé. Notre maitre dira alors qu’il « n’aimait pas les épreuves des Concours, qu’il se les ai imposées avec un beau courage, au prix de gros sacrifices et d’une persévérance récompensées, surtout après cette maladie à poussées successives se rapprochant, la maladie de Protée, guérissant avec le traitement radical ».

Notre patron créera plusieurs écoles, d’Infirmières anesthésistes en 1954, de Kinésithérapie en 1959.

La disparition brutale de son ami Etienne Curtillet, qui avait écrit un livre fondamental sur les anesthésies par inhalation, le conduira à reprendre l’ Ecole de médecins anesthésistes. De nombreux spécialistes; Malméjac, Gross, Grangaud, Benhamou, Massonat, Rosa et les médecins anesthésistes René Laverhne, Emile Bisquerra, Georges Fanjeaux, Pierre Monjal, Alain Mauduit, Frédérique Bernollin, y participeront avec enthousiasme. Tardieu n’y était pas.

L’examen sera jugé par un jury national, monsieur Goinard étant en pleine harmonie avec le parisien, le Professeur Baumann.

 

Toujours en avance sur son temps, il adhère au Temps plein avec Jean Pégullo et Georges Pélissier, construisant sur le Service 12 lits, sur un étage au-dessus de la salle Nélaton, prévu par le plan et les honoraires de l’architecte Vasselot.

 

L’Ecole de chirurgie lui est confiée en 1961, débutant par des conférences aux internes deux après-midi par semaine.

 

Tant d’efforts apportent de beaux fruits, et nous publions deux livres importants, que je rédige en presque totalité et qu’il corrige, avec mes dessins et les radios, « Le traitement des Ictères par rétention » en 1959, puis « Le kyste hydatique » où est joint l’ami Jean Pégullo, en 1960, chez Masson à Paris.

Nous participons aux Congrès du Collège internationalde chirurgie à Venise, puis à Rome, contrariés par l’organisation, de Bruxelles, en mai 1958.

Les publications s’accumulent, et les communications à l’Académie de Chirurgie se multiplient, soulevant des débats passionnés, des joutes oratoires, avec les collègues les plus éminents de l’époque, Soupault, Champeau, Roux, Hepp, sur la vésicule et le sphincter d’Oddi, les lithiases du cholédoque, avec suppression du drainage externe, la manométrie, les pancréatites. La rhétorique du maitre triomphe.

Je conserve le souvenir de l’immense estime, du respect unanime, que l’élite chirurgicale de Paris nous portait.

 

Notre maitre, opère moins dans le service, laissant le plus grand soin à Ferrand, Pégullo, Pélissier, Descuns et Garré, Butori, Debaille Gautray, Elbaz, aidés par des internes entrainés, Alain Farrugia, Robert Giraud, Claude Malméjac, Pierre Groulier, Philippe Périllat, Michel Amiel, Christian Phéline, Jean Pierre Curtès, Philippe Marcie.

Le service assure, en 1961, 2157 interventions et 10024 consultations, les urgences s’accroissant.

 

Les séances d’aide opératoire des lundi, mercredi et vendredi soirs, parfois les autre jours, sont réalisées par Pégullo, puis par Pélissier, jusqu’en juin 1962, nous permettant de vivre. Elles sont parfois gênées par le médecin traitant, occupant la place de choix.

 

En fin 1940, les Goinard habitent au balcon Saint Raphaël d’El Biar, dominant la ville et permettant l’accès direct à l’est, par le boulevard Galliéni vers Mustapha, les cliniques Solal et Laverhne, au sud par les Tagarins, la clinique des Orangers, au nord, par les avenues Maréchal Joffre et de Bourmont, la rampe Vallée, le boulevard de la Victoire, la clinique de Verdun.

Il court de, Laverhne, avenue Pasteur, à la clinique Solal, rue Claude de Bussy, sillonne à toute allure les virages du Télemly pour rejoindre les Orangers et redescend aussi vite à la clinique de Verdun, par les virages aigus et étroits des tournants Rovigo, doublant les tramways. J’ai, pour ma part, rejoint la clinique suivante, faisant une anesthésie locale.

Monsieur Goinard avance toujours vite avec sa Citroën, traction avant, ou sa seconde voiture, une Volkswagen, véhicule qui lui permet de conserver son feutre gris, à petits bords.

 

Ces aides opératoires rapportent l’argent nécessaire, mais surtout sont un apprentissage d’élection, nous marquant Pégullo et Pélissier, d’un style opératoire rapide et sûr, embelli par la cadence de gestes simples qui recherchent l’efficacité sans aucun temps perdu, aux instruments et aux doigts, improvisant dans les cas difficiles, mais en respectant le but, qui est la guérison du patient.

Devant la particularité pure de notre action, le patron s’effacera pour nous aider. Ainsi l’opérateur tournera vers la gauche du patient, et il se fera ôter les lunettes pour voir, à 15 centimètres, mon cathétérisme du canal de Wirsung.

 

Quelquefois, monsieur Goinard s’abandonne à des réflexions sur son effrayante responsabilité.

« L’âpre existence du chirurgien, dix, vingt, cent succès, ne compensent pas un échec opératoire, un décès injustifié.

Ce ne sont pas les plus belles guérisons qu’on se rappelle le mieux, mais les catastrophes. Tout chirurgien qui s’examine loyalement, ne peut aboutir qu’à l’humilité.

Ce droit de dispenser la guérison et la mort est presque inhumain à certains moments. Effrayante responsabilité, une vie humaine dépend de vous, de votre décision d’abord et ensuite de votre action.

On a été éveillé des heures par la pensée lancinante de la complication. On a senti la striction et le froid au creux de l’estomac, de l’angoisse. On a été poursuivi des journées entières par la préoccupation de cet opéré ,s’interposant au-devant de tout le reste. Trois ou quatre jours plus tard, le mari est arrivé. Il est souriant, heureux.
Il n’était pas là les premiers jours. Il n’a éprouvé aucune inquiétude. Tout s’est très bien passé, n’est ce pas ?…

Voir la confiance dans le regard des patients faire place au reproche. On a tellement scruté le visage de son opéré que, pendant bien des jours, il demeure devant nous, qui nous regarde.

On a partagé les angoisses, les espoirs, les attentes de ceux qui l’entourent, on est entré très avant dans sa famille.

La détresse que chacun ne connait que quelques fois dans sa vie, il n’est pas de semaine qu’on n’y participe.

Le chirurgien ne peut plus vivre une gaîté sans mélange, ou alors s’étourdir de joie un peu sauvage, son vrai caractère étant la gravité.

Peu à peu, cette parenté intime, étroite, de quelques jours, ce fantôme, s’écarte, se retire, s’éloigne. Il vient au moment où l’on se demande si ce cauchemar a été réel.

Mais ces visages rôdent autour de vous. Si peu qu’on les évoque, ils surgissent dans l’ombre avec une hallucinante précision. Ce ne sont pas des visages des guéris qu’on retrouve avec tous leurs traits dans son souvenir. Non, ce sont les autres, avec leurs expressions, leurs intonations, leur aggravation chaque jour plus accusée ».

D’où son humilité, sa patience, sa douceur, sa sympathie à l’égard de ceux qui souffrent et attendent tout de nous. La charité doit guider nos actes, la médecine nécessitant de la part du chirurgien une manière d’être, une mentalité qui n’est autre que chrétienne.

Jusqu’au bout, le magnifique instrument de travail qu’il avait réalisé va continuer à fonctionner. Cependant, en raison des circonstances, le nombre des urgences s’accroîtra fortement.

Les couloirs et même certains soirs le hall d’entrée s’encombreront de brancards, comme lors de la fusillade du 26 mars 1962, rue d’Isly, dans une atmosphère de tragédie, sans panique ni désordre, avec une admirable cohésion des européens et des musulmans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’exil actif, à Marseille, puis à Lyon.

 

 

 

Après les arrestations de mars et avril de mon ami Roger Degueldre, des généraux Jouhaud et Salan, je sais que nous quitterons l’Algérie, et nous prenons le 22 mai, mon épouse et moi, la décision définitive de l’exil.

Monsieur Gert Bacques s’est occupé d’un avion particulier pour les femmes, de la SN Repal.

Ma femme part le 25 mai avec nos cinq enfants et la chienne Flica, de Madame et Noëlle Goinard, avec leur gros caniche, de notre amie madame Vian avec ses quatre enfants.

Monsieur Goinard et moi avons expédiés pour Sète nos voitures deux jours avant, par bateau. Et nous partons le 24 mai dans un tout petit avion, déniché et accompagnés par Bacques., turbulent dans les airs, pour accueillir nos épouses à leur atterrissage.

Ainsi partis de Sète nous sommes le 25 au matin à Marignane. Nous avons été effrayés par quatre heures de retard, sans nouvelles.

Nous dormons à Aix en Provence, hôtel Szxtius, invités par les Goinard.

Après quatre jours chez la tante Marcelle de Charlette, à Aix en Provence, nous rejoignons une très vieille villa sur le plateau de Célony, sans eau potable, par une forte chaleur, au milieu des genêts. Grace à monsieur Goinard, madame Verne, mère de madame Descuns, nous l’a prêtée.

Le samedi 2 juin, je repars à Alger avec monsieur Goinard, qui doit aller à Paris, pour le Comité Consultatif.

Tristement perdu dans notre villa du Paradou, je poursuis mon travail de chirurgien à Mutapha. J’accumule à la villa ce qu’il faut expédier, deux valises et quatre palettes de livraison des légumes, vendues cher par Etienne Franzoni, à Guyotville, expédiées en France, à Célony.

Le mardi 12 juin, j’ai obtenu de monsieur Bacques des places d’avion pour mon grand père paralysé, ma mère, ma grand-mère et sa fille, dans cette immense cacophonie de la foule ahurie.

Monsieur Goinard comptait revenir le 22 juin. Je suis au fax de monsieur Bacquès lui demandant de ne pas rentrer en raison de la menace venue de Tunis, et des enlèvements nombreux des européens par les fellaghas.

Le 15 juin 1962, par une chaude matinée de printemps, une charge d’explosifs fracasse une coupole Blin. Pégullo et moi ramassons des vestiges. C’est ,pour nous deux, le symbole d’une totale et irréparable destruction de ce merveilleux service.

Finalement il me faut repartir, avant le premier juillet, et le samedi 30 juin au soir, je prends un petit bateau Schiaffino de 20 places debout, obtenu avec laide de Pégullo.

 

Nous descendons souvent à Marseille, hôtel Terminus, formant avec monsieur Goinard une Association des médecins et pharmaciens de Provence.

Malgré ma très ferme mise en garde à mon maitre, Vincent Pol, arrivé un an avant nous, chassé par l’OAS, avec son allant habituel et sa mégalomanie, est désigné secrétaire de l’Amicale.

Le résultat sera, comme je l’avais prévu, sa prise en mains de la future clinique pour les pieds noirs à Marseille, Clinique Résidence du Parc.

Avant les décisions ministérielles, Monsieur Goinard nous voyait à l’Hôpital Nord, comptait monter une super-clinique près de Paris. Il sera bien déçu.

En attendant il a obtenu par monsieur, Congos, résistant armé au Maroc, un appartement au cours Julien, où s’étale, dans la matinée, les Halles de Marseille. Je m’y installe avec un ami, le docteur Lévy.

Rapidement monsieur Goinard trouvera un domicile de logement, dans la luxueuese rue Rodocanacchi.

Il recommence à opérer en septembre 1962, au début à la Clinique Périer tenue par le docteur Zenou, neveu de Lévy, puis accueilli par monsieur Maouad, libanais, qui a la plus belle clinique de la ville, par le Professeur Figarella. Je ferai, dans cette clinique, Prado-Borelly mon premier cabinet.

La clinique Juge l’accueille enfin, sous l’égide du Chanoine Resta.

Nous vivrons, mon épouse et moi, démunis, avec les premières aides opératoires de monsieur Goinard, dès septembre1962

Il viendra me chercher, en circulant en bord de mer, à la Pointe Rouge, à six lieues, dans une villa sans téléphone.

Nous avons récupéré, grâce à monsieur Gert Bacquès, sous l’égide du drapeau allemand, tous nos meubles, commodes et lits, lustres, mis à l’Entrepôt.

Monsieur Goinard opérera surtout les pieds-noirs pendant trois ans, orientant ma carrière dans le secteur privé de Marseille, car très vite il a été nommé Professeur à titre personnel à Lyon, donc sans élèves, le 15 février 1963.

Il a revendiqué une mutation, comme celle du Professeur Giberton de Clermont-Ferrand à Paris, de Georges Fabiani de Rennes à Paris, d’ André Bourgeon de Poitiers à Nice.

Réclamant des directives au Ministère de la Santé, il ne reçoit pas de réponse. Demandant alors audience à monsieur Capdecomme, celui-ci l’ignore et refuse de le recevoir.

Et les rares Français qui sont restés à Alger, Stoppa, Barsotti, auront, par leurs patrons des titres d’Agrégés et possèderont un service à Amiens ou à Tours !

Le Doyen Hermann invoque le règlement pour l’obliger à résider à Lyon. Il y échappe, « presque clandestinement« ,par le biais d’une adresse lyonnaise fictive. Cependant, Jean Salasc est demeuré à Marseille, tout en étant nommé professeur à Dijon !

Le premier octobre 1966, les Hospices de Lyon lui confient le Pavillon G, présenté par le directeur des Hospices de Lyon, monsieur Veyret, , comme le plus beau service de l’hôpital Edouard Herriot. En réalité monsieur Goinard est très dépité par sa vétusté, finissant par obtenir les crédits nécessaires pour le remettre en état.

Accueilli d’emblée plus que froidement par le Doyen Hermann, monsieur Goinard a été victime d’une opposition de plus en plus affirmée.

Attaché d’office à la Faculté de Lyon en 1963, Professeur à titre personnel, il a été maintenu à une inaction universitaire totale, jusqu’en 1964.

Obligé, nous l’avons vu, de demeurer à Lyon, on lui confie un cours de sémiologie théorique, subordonné à ses collègues Professeurs de Clinique, rétrogradant ce professeur de Clinique Chirurgicale !

Mais, dans un esprit de conciliation, il s’efforça de servir dignement ce rôle subalterne.

« J’exprimais mon désir d’obtenir une chaire titularisée, s’effaçant cependant à la première succession du Professeur Polosson dans la chaire de gynécologie.

En 1965, à l’occasion de la succession de Monsieur Werthheimer, le Comité Consultatif eut à choisie entremonsieur Peycelon et moi-même. Le rapporteur crut trouver une heureuse solution en me souhaitant une nouvelle chaire de Clinique chirurgicale, vote unanime, auquel la Faculté de Lyon s’est refusée à donner suite. La PathologieChirurgicale qui vient d’être créée, est prévue pour monsieur Guillemin !

Ma demande de transfert fut mal accueillie. La séance du Conseil eut lieu le vendredi 6 mai 1965, l’examen de ma demande de transfert ne faisant rien en mention de la Chaire de Sémiologie. Au cours de cette séance fut adoptée la création d’une Chaire de Sémiologie à temps plein, dévolue non plus à monsieur Guillemin, mais à monsieur Francillon.

Ma surprise fut extrême, ayant tout ignoré de ce changement hâtif !

J’étais fondé, après ces quatre années d’opposition aussi clairement manifestée, à considérer qu’il s’agissait d’une habile manœuvre pour une mise à l’écart définitive.

Le Doyen, avec une petite féodalité hospitalo universitaire, s’y est opposé, malgré le vote du Comité Consultatif de novembre, la sympathie grandissante du Conseil de Faculté, l’appui de monsieur Debré père.

L’on cherche à m’écarter définitivement du Comité Consultatif, pour la raison que la Faculté d’Alger n’existe plus ».

 

Le premier octobre 1966, les Hospices de Lyon lui ont donc confie le Pavillon G et le 25 novembre le Comité Consultatif des Universitéslui allèguent sa nomination de Professeur des Universités, Professeur à « titre personnel » par 32 voix sur 62 votants.

En prenant possession de ce Pavillon G, notre maitre va faire l’effort de le moderniser.

Sa supériorité, son rayonnement, sa sollicitude, son autorité bienveillante, forgent un climat d’entente exceptionnel à Lyon

Les internes anciens choisissent son service, les étudiants se pressent à son cours de sémiologie, édité en deux volumes. Les chirurgiens vasculaires, tel Faidutti, s’y pressent, le Professeur Bouchet le suit fidèlement et trois des ses élèves seront agrégés1.

Il crée les Journées d’hydatidologie du foie, publie sur les voies oddiennes et sur la vésicule.

Il a créé une cohorte d’étudiants enthousiastes, de personnel infirmier fidèle.

A son départ, à la limite d’âge, il quitte Lyon en septembre 1973.

Ce départ se fait dans une soirée en son honneur, le 27 septembre 1973, une soixantaine de participants, dont le professeur Liaras et sa femme, Pélissier, Pégullo, Sautot, Sisteron, Neidarth, Amiel, Guelpa, Marcie, Faidutti, Steichenberger. Une belle sono lui est offerte. Mais je trouve sa voix affaiblie, son mauvais allant.

Après une totale réussite lyonnaise les manifestations de sympathie sont touchantes, dont celles du personnel hospitalier, souvenir durable et profond.

Je ne retiendrai ici que l’allocution du ProfesseurAlain Bouchet, chirurgien des Hôpitaux de Lyon :

« Cher monsieur, pendant 8 ans, vous fûtes un grand patron. Votre délicatesse, votre tact , votre sens de l’humain vinrent rapidement à bout des difficultés et des problèmes accumulés au Pavillon G, dès votre arrivée.

Personnalités disparates, caractères entiers, humeurs ombrageuses parfois, se rangèrent à vos côtés et participèrent, main dans la main, à l’activité commune. Autour de vous régnait l’harmonie et jamais cette tranquille sérénité inspirée à tous par votre présence, ne fut le moins du monde incommodée par les éclats et les rancœur de la jalousie.

Vous êtes arrivé si vite au dernier jour de ces courtes années, qu’il semble que c’était hier que vous franchissiez le seuil du Pavillon G.

Dépouillé, bafoué, meurtri, privé de l’essentiel, douloureusement marqué par l’incompréhensible épreuve de l’abandon injustifié d’une terre française, vous arriviez à Lyon auréolé du prestige d’un grand chirurgien.

Très vite, votre talent s’imposa à tous et votre inépuisable bonté, votre patience, votre courtoisie, provoquèrent l’admiration, autant que la prodigieuse habileté de l’opérateur, la simplicité de ses gestes, la sûreté de ses indications.

Sans tarder, votre valeur s’imposa dans notre ville et ceux mêmes qui vous avaient réservé un accueil de circonstance, durent reconnaitre votre supériorité dans tous les domaines délicats de la chirurgie digestive, dont l’incomparable chapitre de l’hydatidose devra sans doute se fermer après vous.

Votre autorité bienveillante, votre rayonnement, votre sollicitude auprès des plus humbles, ne tardèrent pas à forger ce climat d’entente et de confiance qui régna sous votre tutelle. En un mot vous réussites à créer l’unité , dévouement de vos infirmiers et infirmières, travail irréprochable de vos secrétaires, admiration de vos élèves, reconnaissance de vos malades, qui firent du Pavillon G un modèle d’organisation hospitalière.

Malgré les oppositions universitaires dont la navrante inanité vous laissa un moment désarmé, les étudiants se pressaient avec ferveur à vos cours, retrouvant cette soif d’apprendre, éteinte chez ceuxqu’avaientlaissé d’autres maitres, peu soucieux de leur rôle d’enseignant.

Autour de vous se pressait le fort contingent de chirurgiens vasculaires, que vous avez eu la sagesse de réunir en une équipe homogène. Les journées de Chirurgie Vasculaire, firent que votre rôle, dans cette entreprise, fut que la chirurgie vasculaire lyonnaise ne périsse pas, mais rayonne jusqu’à l’étranger.

A peine ébauchée cette grande œuvre, vous nous quittez. Les remous de votre départ ont ébranlé le grand navire.

L’absencede son commandant laissait les médecinsdans l’imprévoyance administrative et dans quelques jours, ils se sentiront désemparés. Désormais nous nous trouvons tous dispersés, sans l’atmosphère unique du Pavillon G. ».

 

La major désaxée , mademoiselle Yagoub, lui écrivait : « Vous êtes et vous serez toujours pour nous ce médecin présent auprès des malades, toujours à leur disposition. Tout votre personnel est autour de vous aujourd’hui, ce personnel que vous avez aimé, que vous avez aidé au sein de l’Hôpital, mais aussi dans la vie de tous les jours ».

 

Dans la réunion à Marseille, ses nombreux élèves sont là pour la dernière fois, Pégullo, Pélissier, Rosa, Debaille, Elbaz, Descuns, Garré , Bardot, le fils Lavherne…mais étaient absents Butori, Jean Houël et Jacques Gardel. Gautray disparu lors de son échec à Grnoble en 1968, mort comment?

Pégullo prend alors la parole.

Notre patron lit pour la première fois, devant la crainte de son émotion pour ce rassemblement jubilaire, mais aussi à cause de sa fatigue

Il nous raconte ses parents, notre vie dans le Service, œuvre éminemment collective.

Il a refusé son effigie, préférant que notre Ecole tout entière soit rappelée dans cette Antenne Médicale, revue jubilaire de mai 1974, dont j’ai écrit l’hommage au début, pages 103 à 125. Dans sa conclusion il dit :

« Vous êtes venus me rappeler votre attachement et votre gratitude, qui me touchent. Mais en notre équipe commune, le même courant passait dans les deux sens. Les apports des uns et des autres ce confondaient en elle. Trop de fois des innovations techniques présentées en votre nom m’ont été attribuées, en dépit de mes efforts contraires. Je tiens à vous remercier en remémorant notre vie quotidienne, chacun de nous s’y est enrichi, des autres et moi le premier. Me faisant prendre conscience de l’écart de votre âge avec le mien, vous m’entreteniez dans un rajeunissement constant.
.J’ai connu autrefois le combat individuel.et aujourd’hui il arrive encore à Pélissier d’accomplir, avec aisance, en solitaire, une intervention biliaire complexe ou une amputation du rectum, répartie d’ordinaire en deux équipes;

Que de fois vous et moi avons passé ensemble de longues heures à conjoindre nos efforts sur un pied d’égalité qui nous rendait si proches, dans la célébration d’une intervention réglée, à l’affut d’un perfectionnement. Je sais et je ressens vos épreuves et vos mérites

Vos belles réussites ne vous comblent pas, car vous avez la nostalgie d’une partie de ce que vous apportait notre Service en plénitude, qui vous fait injustement défaut

Quel que doive être l’avenir, vous restez des gardiens actifs d’une certaine manière d’être.

Demain nous serons de nouveau éloignés dans l’espace, les uns des autres, mais il y a des absences qui sont des présences?

Merci à tous ceux qui ont conçu et réalisé ce précieux petit livre, à Georges Pélissier qui est parvenu à concilier, avec tant d’occupations parfaitement accomplies, à Jean Pégullo, votre porte- parole émérite.
A tous, de tout cœur, merci. »

 

Une contrariété grave de monsieur Goinard avec Jacques Ferrand, explique son absence.

Monsieur Goinard lui avait écrit le 25 octobre 1962, exprimant son choc profond pour cette acceptation à Alger, répondant à sa lettre du 19 octobre 1962.

Celui-ci lui écrivit le 30 avril 1968, justifiant sa prise du service du professeur Lagrot, en Chirurgie infantile, étant resté chirurgien six ans à Alger.

Ilexprima « malgré le graphisme comparable de Ferrand, la lourdeur de ce maitre, pour ne pas dire plus, etsupporter Ferrand pendant les années algériennes, dans l’intérêt de son Ecole ».

 

De 1957 à 1965, j’avais publié avec lui 77 fois sur 118 dans ses Titres et travaux scientifiques, suivant mes études sur la lithiase vésiculaire, la pression du cholédoque, le sphincter d’Oddi, les pancréatites, les kystes hydatiques du foie.

J’étais garant du second succès de mon Maitre, qui avait étudié les splénomégalies, et il me considérait comme son ami, chirurgien mais aussi découvreur, sage et dévoué, dans cette orientation nouvelle, remplissant nos écrits.

Certes sa nomination après 1962 avait brisé mon avenir hospitalier, qu’il savait pouvoir être exceptionnel. Il en avait un immense regret, une révolte.

Je lui ai reproché, pendant son séjour lyonnais de huit ans, de ne pas avoir assez affiché mes œuvres, égarant ainsi un mouvement de mon cœur .

Je fus, une fois, invité pour une séance sur le kyste hydatique du foie. Je suis allé dans son Pavillon G opérer madame D, qui avait de graves crises hypoglycémique. J’avais diagnostiqué un adénome langerhansien, en discutant à Marseille avec l’endocrinologue Professeur Vagues., connaissant bien notre Professeur Boulard

Intervenant ensembles je le trouvais finalement dans la queue, de huit millimètres

Madame D guérit, mais ils faisaient confiance au patron sauveur.

Cependant ma, rupture due à l’exode, me faisait oublier, sans que jamais je ne lui fis une demande, son offre du jardin pour les cinq enfants, pendant les vacances d’été. Il m’avait nommé Assistant de Chirurgie expérimentale. Il nous donna trois millions de son service, pour l’achat de notre terrain du Paradou. Il me confiait son service, trois années avant l’exil, pendant ses vacances d’été, envoyant à mon épouse et moi, des lettres affectueuses.

Il me parlait non comme à un chirurgien, mais comme un père, lors de nos voyages littéraires à Paris, sur les Ictères par rétention puis sur le Kyste hydatique.

Il me conseillait certaines lectures, m’expliquant que le catholicisme cachait d’autres vérités, plus secrètes.

Le 10 juillet 1974, de retour de Lyon, il m’a donné un exemplaire de ses Titre et travaux de 1965

« A Georges Pélissier , l’assistant exemplaire de jadis et de toujours, dont la part a été capitale dans tous les travaux mentionnés ici, en toute affectueuse amitié ».^

Il avait écrit dans une lettre universitaire, de 1961 :

« Le docteurGeorges Pélissier est le type du jeune chercheur chirurgical. Aussi doué que méritant, il a renoncé, bien que chargé d’une famille nombreuse, à une installation en clientèle pour se consacrer entièrement à son travail de recherche. Il est volontaire pour le temps plein, afin de réserver plus complètement encore toute son activité à la chirurgie humaine et expérimentale.

Il avait, déjà donné toute sa mesure en découvrant le déterminismedes altérations bronchiques pour les kystes hydatiques du poumon et en déduisant des conclusions opératoires qui ont réformé la thérapeutique chirurgicale de l’.hydatidose pulmonaire.

Mais c’est en pathologie hépato biliaire que, depuis quatre ans, se sont déployés ses dons d’observation, sa rigueur de déduction, la logique de ses applications pratiques

Il n’est pas exagéré de dire que sa contribution, bien qu’on ne la reconnaisse pas toujours avec une loyauté suffisante, a été plus importante que tout autre, en ces dernières années, dans ce domaine.

Etayée sur des bases expérimentales étendues, basée sur une technique originale de radiomanométrie per opératoire la plus simple et la plus précise, vérifiée par une expérience personnelle de plus de 1200 interventions, elle porte sur tous les chapitres de cette pathologie, ainsi qu’en font foi deux ouvrages, l’un sur les Ictères par rétention, l’autre les Kystes hydatiques, avec des interventions neuves sur le foie. De nombreuses publications dans les périodiques français et américains sont s^^ures et sécurisantes.

Sans parler de ses initiatives audacieuses et pleinement réussies, ses interventions ont recueilli beaucoup de suffrages. Il faut souligner avant tout ses plaidoyers en faveur de la sphinctérotomie odienne étendue et de la sphinctérotomie totale, dans certains cas de lithiase cholédocienne principalement.

La surprenante bénignité de ses interventions, la simplicité des suites et la perfection des résultats éloignés font peu à peu céder les objections et les réticences.

Cette méthode qui, voici 4 ans, semblait à beaucoup révolutionnaire, gagne, chaque année, des adeptes de plus en plus nombreux.

Il a entrepris des recherches sur la pathologie pancréatique et splénique et les résultats sont prometteurs.

Peu de chirurgiens ont à leur actif un tournant dans leur pratique, un tel ensemble de recherches, à l’âge du Docteur G Pélissier ».

 

Ces éloges sur mes recherches et sur ma chirurgie, venant du cœur, montrent sa fidélité et son admiration de toujours pour le disciple

 

La retraite spéculative à Marseille

 

L’Œuvre française en Algérie

L’unité

La désinformation

 

 

Ils habitèrent au Thalassa, dans un immenseimmeuble moderne du huitième arrondissement, y pénétrant directement par l’ascenseur, permettant de contempler l’immense Méditerranée.

Que de fois y suis-je monté, parlant longuement avec lui.

Sans aucun regret ni amertume, mon maitre a cessé totalement cette brillante carrière de chirurgien, son dernier cahier de protocoles s‘arrêtant à 21 359.

« Je pense avoir assez longtemps œuvré au service des malades, la page est maintenant tournée et je vais avoir le temps de m’adonner à tout ce que j’ai dû négliger jusqu’ici »

Profondément croyants ils étaient convaincus, sur le plan spirituel, d’après les textes initiaux, du rapprochement avec les musulmans et revoyait parfois les soufis de Mostaganem.

Mais l’Algérie, à laquelle il était attaché charnellement devint l’essentiel de son activité. La réhabilitation de l’œuvre française dans ses provinces fut son souci primordial, aboutissant après des années de recherches, à une somme de documents qu’il résuma souvent, aidé par son épouse, à un ouvrage capital, « rompant un long silence sur notre œuvre de plus d’un siècle, ignorée de bien des Français, occultée par huit années de guerre, dénaturée par trente années de désinformation, qui n’a pas désarmée ».

Cet ouvrage de 420 feuilles, il m’en a constamment parlé. Il décrit l’avant 1830, l’Algérie des militaires de 1830 à 1870, l’Algérie de la République, avec ses évènements, son agriculture, ses équipements dont l’ère du pétrole, sa médecine, son enseignement, ses apports culturels, ses religions, son évolution des population, ses institutions républicaines et, dans une dernière partie, l’Algérie ultime, achèvement et abandon de l(œuvre, par la tragédie finale.

« L’Algérie, l’œuvre française », parut en 1984 chez Robert Laffont.

Il me dédicaça ainsi son livre : « A Georges Pélissier , au plus fidèle des élèves, au plus dévoué de nos thérapeutes, affectueux hommage de ce livre ainsi qu’à tous les siens, afin que ses enfants et petits-enfants sachent bien ce qu’était notre Algérie. P Goinard ».

Son épouse aura publié son livre, étudié de longue date « De la Genèse à apocalypse » en 1976, à la Table Ronde.

Tous deux se sont donnés, sans compter, pour faite connaitre cette Algérie, de conférences en séances de signatures, à Versailles, Narbonne, Fréjus, Saint-Raphaël, Toulon, Nice, Avignon, Lyon, Bordeaux.

 

Simultanément, monsieur Goinard œuvre pour le rassemblement du Corps de santé replié, 1743 médecins, 425 dentistes, 571 pharmaciens

« Car c’est un phénomène unique dans l’histoire française que le brusque transfert, imposé par la décision du pays, d’un million de personnes dépossédées de leurs biens.

Tout au plus pourrait-on les comparer à la Révocation de l’Edit de Nantes, qui chassa de France 200 000 protestants, mais échelonnés sur de nombreuses années.

Il a fallu que les migrants, notre réinsertion n’étant même pas prévue, se recasent par leurs seules initiatives le plus souvent, alors que presque tous avaient tout perdu.

Il en fut ainsi pour les médecins et étudiants, dont peu ont abandonnéleur profession, ceux qui n’ont pas échappé à la dépression des transplantés, ou mis fin à leurs jours.

La répartition du Corps de Santé a été très sélective, comme celle des Français d’Algérie transplantés en métropole. Il est curieux de constater qu’ils ont choisi les régions de l’hexagone dont le développement a été le plus considérable, depuis leur arrivée, le Sud-est, la région parisienne, puis la région toulousaine et la région Rhône- Alpes..

Par leur seul mérite, 125 Chefs de service sur le seul département algérien, forcent les portes des Facultés de France.

Je fais l’éloge des réalisations de cliniques chirurgicales et obstétricales, 14 dans la région parisienne, totalisant 1250 lits, et dans le midi, deux très importantes, la Résidence du Parc à Marseille, la clinique Saint-Georges à Nice. D’autres s’élèvent à Cannes, Menton, Aix-en-Provence, Fréjus, Orange, Montpellier, Grenoble, Lyon, portant le total à plus de 2500 lits en 1975.

En dehors de ces édifications chirurgicales et obstétricales, plusieurs cliniques gériatriques, psychiatriques, derééducation, de réadaptation, de thalassothérapie, de repos, de régime, portent à plus de 4000 le nombre de lits, d’une valeur technique très supérieure à la moyenne.

Il est intéressant de noter la proportion très élevée de médecins israélites à Paris, en nombre égal avec les autre médecins, Paris intra-muros et plus nombreux d’un quart, dans les six départements de la banlieue; Sur les 700 000 juifs résidant actuellement en France, 350 000 résident à Paris et sa banlieue, 120 000 dans les Bouches du Rhône. ».

 

Le but avoué de Pierre Goinard est de créer et de maintenir une cohésion au sein du Corps de santé.

Un syndicat de médecins rapatriés d’Outre Mer s’est formé à Paris, sous l’égide des docteurs Lesage, Amoyal, Pariente qui se mue en 1973, sur le conseil de monsieur Goinard, en AMSCROM, l’association, se réunissant chaque année à Paris, le premier Président étant le docteur Robert Lejeune, un ami, jusqu’au retrait de l’AMSCROM, en 1977.

 

Dès 1963, les 13 et 14 juin, le Professeur Robert Raynaud, nommé à la Faculté de Médecine de Tours à l’hôpital Trousseau, organise, en Touraine, les Journées médicales d’Artigny. Il regroupe les médecins de la Faculté d’Alger aux retrouvailles poignantes, patrons de Tours, Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Nancy, regroupant, avec monsieur Goinard, Gillot, Huguenin, Sarrouy, Fourrier, Molina Combe, Gréco, Choussat, Fabregoule, Descuns, Miniconi, Claude, Sutter, Lacroix, Malméjac, Mireillle Brochier, Larmande, Boulard…

Le second soir, dans une des très belles salles du Château, se réunit le banquet. A la première rencontre, une médaille fut offerte, par ses élèves, au Doyen Charles Sarrouy.

Le Professeur Robert Raynaud prenant sa retraite a fait son adieu en 1981, son élève en cardiologie, Mireille Brochier, lui succédant. Notre patron y assistait.

 

Monsieur Goinard est invité par le Bachaga Boualem, au Mas Thibert, en juillet 1974, y revoyant monsieur Bourgeon.

 

Dès 1972, sous l’impulsion du professeur Goinard, les laboratoires Laphal, de son gendre, l’aidant ainsi que sa fille, vont éditer un annuaire des médecins et pharmaciens d’Afrique du Nord, suivi de deux éditions gratuites de mise à jour, la dernière en 1982.

 

Le 23 décembre 1971 naît l’Antenne médicale, ayant pour parrains monsieur Goinard, le Doyen Sarrouy, les professeurs Robert Raynaud, René Bourgeon, ainsi que monsieur Krihif, ancien directeur général de Mustapha.

Publiée d’abord à Nice par Jean-Marie Vidal, cette revue devient mensuelle et scientifique, s’efforçant de prolonger L’Algérie médicale.

Dès 1978, son siège est transféré à Marseille et j’y secondais activement le professeur Goinard.

Pendant cinq années de parution mensuelle, cette revue fut accordée d’ Bulletin de liaison. Elle réunissait dans le Service de radiologie de l’Hôpital de la Timone Laurent Chevrot, trésorier, monsieur .Goinard, président, et Georges Pélissier, secrétaire.

Chaque tirage avait 3500 numéros, envoyés.

Monsieur Goinard avait écrit aux auteurs prévus pour la Revue

Je me revois apportant sur la grosse moto le numéro à tirer, à l’imprimerie algéroise Gravite, 19 rue Sainte, son patron, Azoulay, devenant mon ami. L’imprimerie, d’abord en typographie, se modifia en plus rapide Offset

J’avais préparé l’ordre des travaux, les publicités de Jean-Marie Vidal, et revoyait toute la rédaction.

Le dernier numéro de décembre 1982 parut à l’occasion de notre septième et dernier Congrès, à Marseille, pour les Médecins repliés d’Afrique du Nord.

Le premier Congrès, à Marseille, du 23 au 24 novembre1974, par beau temps, a réuni 500 personnes au Palais des Congrès du Parc Chanot, mais contrarié, freiné, par la grève nationale du courrier. Ce fut cependant un très grand succès, avec le nombre des patrons, le bonheur des retrouvailles depuis l’exil.

Grâce à d’astucieuses cloisons mobiles, trois amphithéâtres ont fonctionné simultanément et 20 sujets ont été traités, par les professeurs Goinard, Hadida, Gardel, Raynaud Robert d’Eshougues, Combe, Raffi, Gillot, Sutter, Scotto, Descuns, Miguéres, Boulard, Ambroise-Thomas, Salasc, Gares (mourant l’an suivant), Choussat, Sabon, Viala, Chevrot. Il y avait plus de 300 congressistes au repas campagnard d’Allauch, le dimanche, chez Druon Note.

 

Le second Congrès eut encore lieu à Marseille du 7 au 9 novembre 1975.

 

Le troisième s’est passé à Nice, Hôtel Méridien, du 22 au 24 novembre 1976, succès triomphal avec 652 praticiens et leurs femmes au banquet du samedi soir. Ce Congrès élogieux, fut réalisé par le professeur Bourgeon, le docteur Edmond Rosa, Jean-Marie Vidal.

 

Le quatrième a lieu à Marseille, Hôtel Sofitel, les 10 et 11 novembre 1979, et mes photos seront envoyées à tous.

 

Le cinquième est à Vichy, du 3 au 5 octobre 1980. Nous sommes invités par notre confrère Jean-Louis Bourdier, accueillis par le maire, le docteur Lacarin. Le cadre de notre session fut magnifique, dans la splendeur d’un été prolongé.

Vichy, somptueuse, était pour les plus anciens d’Algérie leur station thermale, durement frappée par la disparition des coloniaux

Le Professeur Henri Liaras, retraité de la lourde chirurgie d’urgences lyonnaise, a présidé ces journées, festival de communications brillantes.

Une table ronde de notre confrère Cabanel, député, fut consacrée au thermalisme moderne.

J’ai eu la grande joie d’y retrouver mon ami, le Professeur Gross ainsi que Jean Poinsot, ancien chirurgien de Tizi-Ouzou, venu me voir opérer à Alger, retraité à Moulins.

 

Le sixième fut à Bordeaux en octobre 1981, organisé par le Professeur Choussat, ce siège étant voté aux acclamations, par ceux de l’Antenne médicale. Son étonnante jeunessea permis un Congrès remarquable.

 

Je gérais notre dernier Congrès à Marseille, avec ma fille Annie, du 12 au 14 novembre 1982.

Ce fut une éclatante, éblouissante réunion, la quasi-totalité de nos maitres de la Faculté d’Alger et leurs élèves étant présents, dans le grand Hôtel du Vieux-Port, face à la mer.

Les Professeur R A Chahine de New York, H Fangensheim de Constance, A Lessa de Lisbonne, F X Ossenberg de Hambourg, R Witmoser de Dusseldorf arrivent, avec les Professeurs français, Jean Pierre Benhamou, gastro-entérologue à Paris, (fils d’Edouard Benhamou de Mustapha), Jean Bernard.

Il y avait au comité d’honneur le ministre de l’intérieur, G Deferre, le Préfet P Somveille, le Président du Conseil général L Philibert, Le Pr Latrille directeur du Ministre de la Santé, le Président du Conseil de l’ordre R Villey.

Le Président d’honneur était le très officiel Professeur JeanBernard, le Présidentle Professeur Jean Sutter, neuropsychiatre, à Marseille.

Nous avons écouté G, Akoun, H Frengenheim, R Bourgeon, G Kaplan, G Salamon, J Ducassou, PH Morand, A Choussat, J Sayag-Hadida, R Assan,
H Dufour, R Witmoser, H, Fangensheim, Cl Molina, J Miguéres, A Jover, A Arnaud, P, Morère, Généraux L Crock et L J Courbil, notre maitre Pierre Goinard, F W Ossenberg, J Sahel, J P Richiéri, G Pélissier, N Cano, J Di Costanzo, R Claude, J P Benhamou, Carayon, J Martin, J H Alexandre, H Sarles, J Bernard, P Babeau, H Choussat, Y Pélicier.

Après les conférences, les confrères sont à 10, autour de grandes tables rondes, et j‘ai pris de nombreuses photos.

J’ai réalisé un livret, comprenant aussi les figures de 72 de ceux qui furent nos patrons.

Une large médaille, individualisée, commémore les trois dates, 1857, 1909, 1962, rappelant, après son essor prodigieux, la rupture brutale. Elle sera remise à chacun de nos patrons, dans la soirée de gala.

Le 14 Novembre, à la remise des médailles, notre patron debout sur l’estrade, Pégullo est resté en Corse, Bardot est absent, Elbaz à Paris, Barsotti ailleurs, les anesthésistes manquants. Le fidèle Edmond Rosa est venu près de moi, avec Roger Debaille et Jean-Henri Alexandre. Ce fut un don dans la joie, mais aussi avec une certaine peine.

Les épouses sont allées à Aix-en-Provence et au mas d’Entremont, le lendemain à la Légion Etrangère.

Il y avait, le soir, du 13 novembre, invité par le Congrès, un concert dans le Palais du Pharo, avec l’ensemble instrumental de la Provence- Côte d’Azur, dont Max Rabinovitch.

 

Un Centre de Documentation historique, CDHA, né en Provence, est inauguré en octobre 1976. Madame Charles Valin, Mademoiselle Pasquier-Bronde, et le jeune Cercle Algérianiste, ont conçu ce projet.

Le Sénateur Maire d’Aix, monsieur Ciccolini, a donné un local à Encagnade, immeuble La Maillane. Ce centre est alimenté par de nombreux ouvrages, photos, cartes postales, incomparable réserve de documents, accessible à tous, sous la direction de monsieur Boyer, ancien Conservateur Régional des Archives d’Alger.

Une collection de livres a sélectionné un choix de 16 beaux volumes, par le Général Bonhoure, ancien aide de camp du Maréchal Juin.

 

L’Union des Français d’Outre Mer est le souci constant de Pierre Goinard, qui se rend aux réunions amicales

Il écrit des préfaces, sur mon premier livre de Guyotville, sur les « Médecins chez les berbères » de Roger Féry, sur la « Force de vivre » de Marcello Fabri, sur « Puisque l’ombre demeure » d’Evelyne Joyaux.

Il collabore à « Algérie française » de Philippe Héduy, les »Pieds noirs » d’Emmanuel Roblès, « Toubibs du bled » de Gustave Guigon, « L’Œuvre agricole en Algérie ».

Il se rend au pèlerinage des Oranais à la Vierge de Santa Cruz, à Nîmes, avec100 000 participants, au pèlerinage des Algérois à Notre Dame d’Afrique, à Carnoux, près de Marseille, édifié par les pieds noirs.

Il a salué, sous son arbitrage, le Cercle algérianiste né à Toulouse le premier novembre 1973, avec des bulletins trimestriels.

Il a rédigé l’éditorial du numéro 52 en janvier1991.

 

Il avait revu les Sœurs de Saint Vincent de Paul à Blan, en 1981.

« Les religieuses dont l’œuvrea été fondamentale dans les Hôpitaux d’Algérie, ont organisé une maison de retraite située à Blan, petit village à l’est de Toulouse, en plaine, non loin du beau massif boisé de la Montagne Noire, très accessible pour les visiteurs

La plupart des 38 religieuses sont des aide soignantes, Sœurs Mathilde, Odile, Raphaëlle, Marthe, Germaine, Françoise, Madeleine, Marie-Thérèse, Thérèse, Augustine…

L’aumônier résident de la maison Saint-Vincent, Dominique Porta, était prêtre, chemin Beaurepaire à Alger.

Le souvenir et la pensée de l’Algérie y sont toujours présents. Elles n’oublient pas leurs compagnes, enseignantes ou soignantes, ensevelies, nombreuses, dans le carré des religieuses de Saint-Vincent- DePaul, au cimetière de Saint-Eugène »

 

Notre maitre connaissait toutes les Associations, divergentes, FNR, RANFRAN, ANFANOMA, MAFA, FRANCE-AFRIQUE, USDIFRA, VERITAS.

Son unique ambition était de rétablir l’Unité, l’union entre le pieds noirs.

Monsieur Ibanes, chef de l’USDIFRA, reçut à Tourves, au Domaine du Billardier, jusqu’en 1996 les Guyotvillois, les samedi, dimanche et lundi de Pentecôte, villageois que je présidais, où 600 adhérents venaient, heureux et s’embrassaient. Le prêtredu bourg, l’abbé Païno retraité, conduit par mon épouse, disait la messe.

 

Dès 1970, monsieur Goinard connaissait l’ ANFANOMA, Association nationale des Français d’Afrique du Nord, d’Outre-mer et de leurs amis, au mieux avec monsieur Fenech.

Mais depuis quelques mois il était choqué par le journal France-Horizons et le président, de l’Anfanoma, le Colonel Pierre Battesti, gaulliste, par ses manœuvres contre le Général Jouhaud, adepte de madame Lauriol, secrétaire de Foccard.

Il se rapprocha de Jouhaud et de son FNR, Front national des rapatriés. Le 7 février 1971 monsieur Goinard fit à Marseille, au Rex rue de Rome, à la demande du Général Jouhaud, une étude magistrale sur la réhabilitation des pieds -noirs.

« Depuis bientôt 10 ans, nous avons été arrachés à notre Algérie natale, dépouillés, dispersés, expatriés pour toujours et, ce n’était pas encore assez, accablés de calomnies.

Il fallait nous disqualifier, nous les victimes, on nous faisait passer pour des coupables. Il est vrai que nous sommes des témoins gênants, accusateurs par notre seule présence, même muette.

Mais après 10 ans d’exil, il est grand temps qu’en témoins fidèles, nous rétablissions la vérité.

Le vent de l’histoire, contrairement à ce qu’on nous avait dit, peut avoir des reflux inattendus. Qui aurait pu croire que nous, les calomniés, le désavoués, les rejetés, nous allions transférer dans un pays vieilli, désabusé, fourmilière animale, un noyau de population homogène, sain, vivace, ardent, et qu’il devienne un germe d’authentique espoir ? ».

 

En 1972 notre maitre, au nom du FNR, parle avec le capitaine Pierre Sergent, officier du premier REP, et défend son livre, qui cultive avec les hommes des vertus que l’on dit maintenant périmées, courage, fraternité, dévouement, absence d’intérêt absolu.

 

Mais son ami, le docteur Gaston Guigon, profond chrétien, lui a écrit le 16 avril 1970, doutant que l’Unité soit réalisable:

« Vous croyez que l’homme est bon et vous parez le Rapatrié de toutes les vertus? Je suis assez descendu dans l’arène et je sais que tout le monde est sale, lâche, cruel.

Vous êtes fier de voir que notre peuple est resté lui-même. Moi, je le vois très souvent veule et vénal, impatient de tourner les pages, et je juge qu’il n’est plus tout à fait lui-même.

Votre haute culture, votre nature profondément chrétienne, votre rigueur intellectuelle, enrichis de vos disciplines chirurgicales, vous apparentent davantage au mysticisme, qu’à mon pragmatisme ».

Je pense comme lui, et qu’en dehors quelques amis, l’épreuve est difficile, la joute rude, pénible, possible?

Contre mon humble conseil, il lance une allocution de coordination avec le RECOURS, espoir pour lui de l’unité, en 1976 à Aix-en-Provence.

Ce rassemblement n’est pas, dit-il une association de plus, laissant libres les amicales et associations qui ont accepté d’en devenir membre.

« Nous sommes entrés dans une période nouvelle .

Une extraordinaire conjoncture est advenue, peut-être providentielle. Soyons réunis plus que jamais sous le signe de cette fierté, qui est une exacte conscience, de notre valeur collective. Trois hommes, Guy Forzy, Claude Laquière et Jacques Roseau font que le RECOURS est apolitique ».

Trois ans plus tard, il laisse tomber l’association; dirigée par Jacques Roseau, adhérent au RPR, ami de Chirac, du maire socialiste de Montpellier, Frèche qui traite d’achats avec le FLN. Il se défait du mouvement sans ne vexer personne. Le 5 avril 1993, Roseau est abattu par un algériennationaliste, Hirtz, de trois balles de pistolet.

 

Aux Dossiers de l’Ecran d’Armand Jamot d’Antenne 2, en avril 1976, l’émouvante allocution finale de notre maitre sur les yeux obstinément fermés de Français, fut suivie d’une multitude de lettres de félicitations.

Combattant pour la vérité historique face aux mensonges quotidiens, il écrit en 1986 :

« Nous qui restons des témoins du passé de la France en Algérie, ne pouvons tolérer plus longtemps les stupéfiantes contre-vérités, les honteux silences qui se perpétuent, dont on ne mesure pas assez les malfaisances présentes.

Arme d’un fanatisme idéologique dont, durant la guerre d’Algérie, nous avons été les victimes sans défense, ou seulement transfert de responsabilités gênantes sur une innocente communauté, la désinformation a été décuplée par les moyens de communications modernes, à une époque malheureusement pour nous décisive, a pénétré les esprits sans soulever aucune réprobation.

 

En partant nous n’avons rien laissé divague Alain Vircondelet, quittant à 9 ans sa ville natale, Alger.

A-t-il jamais su que nous avons laissé une entité géographique réalisée pour la première fois dans l’histoire par nos ancêtres ? Après 132 années nous avons laissé, oui, monsieur Vircondelet, de grandes belles villes, 700 villages, 54 000 kilomètres de route, 4 500 de voies ferrées, 23 ports, 23 aéroports, des barrages irriguant 200 000 hectares, une agriculture moderne, quatrième productrice viticole du monde, première exportatrice de clémentines et mandarines, des industries, une production électrique, un réseau d’équipement sportifs et hôteliers de niveau européen

Or, pendant très longtemps, les autochtones étaient demeurés en dehors de ces travaux de pionniers

Une valeur exceptionnelle s’ajoutait avec nos forages du Sahara, un milliard de tonnes des réserve de pétrole

Bône, pour en faire les plus fécondes, sans aucun autochtone. , 3 500 milliards de mètres cubes de gaz, dédommageant la France de ce que lui avait coûté l’Algérie, dont elle a fait l’abandon ! L’Algérie ne pesait plus comme un boulet sur la France.

 

Un génocide ?, terme ridicule de Daniel Leconte n » à Oran en 1949, répétant ce qu’il avait écrit dans Les Pieds -noirs.

Génocide signifie extermination délibérée des Aborigènes en Amérique ou en Australie; Or la population musulmane a quadruplé entre 1872et 1954. Les indigènes ont bénéficié à égalité, sans apartheid, de toute l’organisation médicale française.

 

Les colons seraient enrichis par la spoliation des terres et l’exploitation des indigènes ?

Fortunes impures dit Chaban-Delmas, dépossession de la paysannerie algérienne, dit Nathan dans son livre d’Histoire terminale, où les gros colons ont fait suer le burnous, profiteurs plus que le FLN ?

Dans une première phase nos pionniers, aux souffrances indicibles, à l’effrayante mortalité, ont défriché les terres les plus abandonnées de la Mitidja ou de Bône, pour en faire le plus fécondes, sans aucun autochtone.

Dans une deuxième phase, contrairement à ce que dit le docteur Nacer Kettane, fondateur de Radio Beur, grâce aux progrès de la vigne, des agrumes, des primeurs, du rendement des céréales, les Européens disposaient de 2 750 000 hectares, dont 600 000 cultures dites riches, les indigènes 10 millions dont 4 250 000 arables.

Parmi ces derniers, plus nombreux étaient les propriétaires indigènes de plus de 100 hectares, 8496, contreles européens, 6587 hectares. Huit mille européens possédaient moins de 10 hectares et leur revenu moyen y était inférieur d’un cinquième à celui de la mère parie.

 

Nuit coloniale, grisaille intellectuelle dit Pierre Branche dans le Figaro du 15 novembre 1986 ?

Avant 1962 dit Pierre Branche 2 % des enfants musulmans apprenaient le Français. En 1960, 39, 2 pour cent des enfants étaient scolarisés, Branche n’ayant retenu que la décimale ! Akbou, en pleineKabylie, comptait 50 % des enfants scolarisés, grâce aux militaires de SASet des centres éducatifs.

Un palmarès des originaires de Lagouath établit en 1950, un avocat parisien, un in terne des hôpitaux de Paris, cinq professeurs de lysée, deux professeurs de médersa, seize instituteurs, un imprimeur à Alger, quinze officiers dont trois supérieurs1.

Au moins avait été aussi féconde la Kabylie dont 28 ingénieurs et Salah Bouakouir, polytechnicien, Secrétaire général pour les affaires économiques en 1960.

Des musulmans apportaient leur concours à l’Université d’Alger, pour l’Islam Bencheneb, Ben Sédirah, Soualah.

 

Une ethnie annihilée ? Une bête immonde, du nom de colonialisme était venue annihiler leur personnalité, leur identité leur langue , dit le docteur Nacer Kettane. Nous avons paupérisé les indigènes, clochardisées.

Annihiler leur personnalité ? Si on entend les efforts accomplis pour donner à des populations demeurées dans un état médiéval, accablés par des siècles d’une occupation turque stérilisante, un accès à la civilisation occidentale et en faire à peu près nos égaux, peut-être.

Mais n’aurions-nous rien fait dans ce sens, de quels reproches encore pires serions nous abreuvés par ceux qui, à l’inverse, estiment que ce ne futpas assez

Leur fidélité religieuse n’en était pas affectée pour autant, à l’abri de toutepression chrétienne.

 

Annihiler leur identité ? Certainement pas une identité nationale, bien au contraire suscitée par les Français qui l’ont confortée en leur exhumant, en mettant en valeur, tout un patrimoine oublié, les vestiges romains, berbères et musulmans, explorant d’anciennes capitales, collectant les manuscrits anciens et proposant ces découvertes à la connaissance de tous, étudiant les confréries, les traditions, les poèmes et chants, la musique arabe et berbère, le tissage et les poteries, l’enluminure, en sauvegardant leur identité.

 

Annihiler leur langue ?

Ce n’est pas dans notre Algérie que leur langue a été menacée, mais en France, chez les émigrés installés avec leurs familles. La seconde génération emploie moins volontiers l’arabe ou le berbère que le français, si même elle ne les ignore.

Deux communautés vivaient en bipartisme’ sans conflits religieux, l’Etat laïque persécutant le christianisme, ménageant l’Islam, en relations individuelles cordiales, la désinformation déniant l’attachement profond qui s’étalait entre les deux communautés.

Le bilinguisme, vers lequel tendait l’Algérie, n’apportait-il pas un enrichissement sans nullement porter atteinte à l’identité ? La presse d’aujourd’hui en Algérie n’a pas éliminé le français et d’une façon importante rédige dans notre langue, avec élégance, raffinement du style.

 

Excédés d’une telle guerre où 200 000 musulmans combattirent les fellaghas horribles, bien inférieurs en nombre, mais aidés par une intelligentsia subversive, de Témoignages chrétiens et de la Croix, des désinformateurs, des intoxicants psychologiques contaminant l’opinion française, jusque dans les recrues du contingent, musulmans et français se rassemblaient en foules immenses, durant le mois de mai 1958 pour réclamer la paix.

 

Et ces pieds noirs, évincés de leur sol natal par De Gaulle en 1962, contraints d’abandonner leur moindre bien, hostiles aux habitants de métropole induits en erreur, à qui était cachée la vérité, étaient présentés par des déclarations officielles comme des vacanciers !

Dans le Figaro littéraire du 27 avril 1987, on a pu lire : Au lendemain des guerres d’indépendance, spécialement en Algérie, il ne faisait aucun doute que la colonisation constituait un épisode misérable, sinon infâme de notre passé proche.

 

Vingt-cinq ans après, la désinformation n’a toujours as désarmé !

 

La position néfaste de l’Eglise, à Alger et en métropole, ne fut pas moins désastreuse pour notre présence en Algérie.

Monseigneur Leynaud, pendant son long épiscopat de 1919 à 1953, restaura l’œuvre capitale du Cardinal Lavigerie.

Sa bonhomie paternelle lui avait valu l’affection de ceux qu’il appelait, avec un tremolo de sa forte voix, ainsi que l’estime respectueuse des musulmans et des juifs. Trapu, robuste, la mitre et la crosse dorées, sa large barbe blanche, la pompe qu’il tenait à maintenir, ajoutaient à son prestige sur les foules.

Il devait àun lucide bon sens et à une longue expérience pastorale, sa psychologie et son habileté de négociateur, accueillant en 1939, magnifiquement, le Treizième Congrès eucharistique.

Au Centenaire de la présence française, les trois diocèses totalisaient 320 paroisses, 567 églises ou oratoires, 600 prêtres réguliers et séculiers, 150 séminaristes dans le diocèse d’Alger.

L’enseignement, le scoutisme catholique les nouvelles sœurs, les nouveaux ordres, continuèrent à s’implanter. L’immense majorité du clergé d’ Algérie suivait Monseigneur Leynaud, adhérait au catholicisme traditionnel et 800 000 catholiques chantaient à l’unisson, au cours des fêtes, Catholiques et français toujours.

 

Peu de mois avant le début de la guerre, en mars 1954, Monseigneur Duval a succédé à Monseigneur Leynaud. Manifestement l’ Eglise avait voulu, en sa personne, substituer une phase nouvelle à une époque jugée archaïque et révolue.

On ne pouvait imaginer deux contrastes, même physiquement. Ce long prélat froid, glabre et distingué, intellectuel ayant été formé à Rome pour des études théologiques, ne connaissait de l’Algérie que par son épiscopat de 7 ans à Constantine, où il avait noué des relations avec les oulémas réformistes et nationalistes.

Foncièrement métropolitain, il faisait figure d’étranger et n’était pas dénué de préventions contre les européens d’Algérie, changement trop brutal. Sans doute était-il informé que l’Algérie était inéluctablement condamnéeà l’indépendance. Il ménageait les insurgés, ne flétrissait pas les crimes de leur terrorisme.

Le comble fut atteint lorsqu’il fustigea le putsch des Généraux, dans un message qu’il ordonna de lire aux messes dominicales ! Il mettait la Croix au service du croissant.

Autour de lui, contrairement à l’attitude de Monseigneur Lacaste à Oran, de monseigneur Pinier à Constantine, une équipe très restreinte partageait ou encourageait ses vues. »

 

Seul l’abbé Georges de Nantes protesta dans l’Eglise, portant seul le poids de cette inimitié, interné sur ordre du Gouvernement au grand séminaire de Troyes, du 14 au 31 mars 1962, pour opposition publique à l’abandon de l’Algérie., la fusillade du 26 mars survenant rue d’Isly

Il a créé à Saint Parres les Vaudes, en mars 1970, la Contre Réforme Catholique, dont je fais partie avec mon épouse, l’abbé de Nantes étant notre maitre en religion et notre ami.

Le 16 avril 1962, trois prêtres de la Mission de France distribuent des médicaments aux rebelles, des renseignements hébergent du FLN, couverts par le Cardinal Liénart en France.

Le curé Scotto, abbé progressiste de Bab-El-Oued, assure la liaison entre l’Eglise et les chefs du FLN, tandis que l’abbé Bérenguer va en ambassadeur du FLN, en Afrique du Sud.

L’abbé Barthez, vicaire d’ Hussein-Dey, discute avec les poseurs de bombes. L’abbé Declair, aumônier de la prison de Barberousse, sort le premier numéro clandestin d’El-Moudjahid.

 

En France la désinformation catholique continue et le Vatican prend position en faveur des insurgés, favorable à l’indépendance des peuples.

La haute Eglise a effectué en souplesse un retournement complet. De convertissant et colonisatrice, elle s’est. ralliée, devant l’effondrement de l’Europe en 1945, à l’idéologie décolonisatrice des grands vainqueurs la Russie et l’Amérique du nord, qui s’étaient partagé la planète.

En automne 1961, l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France prend nettement position en faveur des rebelles.

Georges Hourdin, dans la Croix, vante la collusion de ses amis avec les fellaghas

André Mandouze, ancien rédacteur en chef de Témoignage Chrétien, crée avec les intellectuels de gauche, Consciences Algériennes, invoquant la paternité divine et l’égalité des hommes devant Dieu.

Le couple Jeanson crée, le 2 octobre 1957 le Réseau, regroupant en France les communistes, les progressistes, les prêtres de la Mission de France, capital pour l’implantation du FLN en France.

Le père Congar, tête pensante des groupes cryptocommunistes, vante l’oppresseur musulman.

Le 11 juillet 1956, Monseigneur Dell’Acqua, substitut à la Secrétairerie d’Etat, rappelait à Monseigneur Duval que les directives du radio message de Noël 1955 devaient impérativement guider son action. Monseigneur Duval, dans une lettre confidentielle à ses prêtres, traduisait ces directives, disant « la nécessité de donner progressivement satisfaction à la volonté d’auto détermination des populations d’Algérie, dans le respect des droits ».

Mais 12 prêtres furent abattus par les rebelles, dont un aumônier militaire et quatre pères Blancs, le curé de Sidi Moussa enlevé et son corps retrouvé 40 jours plus tard, mutilé.

Le 6 juillet 1962, la Cathédrale est profanée par 800 musulmans excités.

Le 7 juillet 1962, Monseigneur Duval reçoit un télégramme du Pape Jean 23 : « A l’occasion de la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, le Souverain Pontife forme des souhaits fervents de prospérité pour le nouvel Etat, appelant de ses vœux l’harmonieuse collaboration des diverses communautés, favorisé avec tant de zèle par votre Excellence ».

Le professeur Goinard écrit : « Dans le grand départ de 1962, les prêtres vont toucher le fond du drame, restés à bord dans ce naufrage, un jour venant où ils célèbrent leur dernière messe, feront entendre une dernière fois leur cloche dans le village déserté, s’employant à préserver les profanations.

Les voilà seuls, inutiles, séparés à tout jamais de leurs paroissiens dispersés. Leur accueil sera sur cette rive presque toujours hostile ou tout au moins froid et méfiant

Le commun des catholiques ex algériens, sitôt débarqués, a connu les avanies; Ce qui vous est arrivé , vous, l’avez bien mérité, avons-nous entendus dans des milieux très chrétiens.

Seul le Chanoine Victor Chabanis devient le vicaire à La Madeleine. L’abbé Lucien Arène est aumônier del’Ecole libre Saint Exupéry . MonseigneurMatthieu Aquilina, notre prêtre ami, sera logé par un chanoine fidèle à la Basilique de Marseille. Le père Avril crée une fondation pour les Harkis.

Vingt ans après, déconcertés par les innovations liturgiques, rivalisant de singularités, par les thèmes des prônes, beaucoup sont à la recherche d’une paroisse, quand ils ne sont pas définitivement détournés de toutes.

La proportion est élevée de ceux pour lesquels le traditionalisme est un refuge. Heureux sont ceux qui ont retrouvé un prêtre.

Mais leur désarroi, au bout de 20 ans est grand. Ils ont à vivre dans un pays de plus en plus déchristianisé, où les ordinations sont dix fois moins nombreuses qu’il y a 30 ans. Cette Fille aînée de l’Eglise est maintenant le pays d’.Europe au pluralisme religieux le plus avancé ».

 

Notre maitre écrit encore, à propos des harkis :

« La France avait 200 000 musulmans en Algérie pour l’aider à se défendre contre la rébellion. Lorsqu’elle a décidéd’abandonner, après avoir promis qu’elle ne partirait jamais, elle leurs a repris leurs armes, les laissant délibérément, eux et leurs familles, à la merci de ceux qu’ils avaient combattus et qui les tenaient pur traîtres.. Des dizaines de milliers d’entre eux, probablement 100 000, ont éré massacrés dans les tortures les plus atroces. C’est la honte des Français, dans un abandon sans précédent !

Le pouvoir d’alors s’est efforcé de ne pas recevoir en France les rescapés de cette tragédie. Dans son troisième article dans le Méridional en avril 1964, Marc Cioméi apporte le texte de Louis Joxe : « Les supplétifs débarqués en Métropole en dehors du plan général de rapatriement seront, en principe, renvoyés en Algérie. Je n’ignore pas que ce renvoi peut être interprété, par les propagandistes de la sédition, comme un refus d’assurer l’avenir de ceux qui nous sont restés fidèles. Il conviendra donc d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure ».

Il y en eut qui, sauvés par des officiers fidèles à leur parole durent être débarqués de nuit, dispersés dans des fermes, avant d’être regroupés à Rivesaltesf

Ceux qui ont réussi à se réfugier en France avaient tout perdu, leur petit patrimoine et souvent leur famille. Pendant 14 ans, ils ont été traités comme des Français à part. Vingt mille seulement ont été rapatriés, sans profession, la plupart analphabètes, s’étant engagés jeunes, pour venger l’un des leurs.

On les hébergea dans des locaux d’internement militaire, de détenus politiques, à Larzac, Bour la Bastie, Rivesaltes, Saint-Maurice l’Ardoise, Bise , ou dans le midi agricole. Sur les 75 hameaux forestiers, ils se sont regroupés par villages, La Roque d’Anthéron, Fuveau. Peu à peu, ils se sont incorporés aux populations ambiantes.

Le Mas Thibert a un caractère à part, en raison de l’éminente personnalité du Bachaga Saïd Boualem, arrivé le 18 mai 1962, avec 64 de ses proches, aujourd’hui patriarche d’une communauté d’un millier de personnes, les adolescents parvenant souvent à l’enseignement supérieur ».

 

La dernière bataillede monsieur Goinard sera de pérenniser le souvenir de l’œuvre française en Afrique du Nord, obtenant, en théorie, que le Fort Saint-Jean abrite ce mémorial. Il crée le 10 février 1990 Les Amis du Fort Saint-Jean, élabore un comité de soutien, puis la création d’une Association.

 

C’est en achevant un article sur ce projet qui lui tenait à cœur, un soir du 12 janvier 1991, écrit que je possède, que le mal le frappa, aux Hespérides.

Je ne lui ai jamais parlé de mon succès comme chirurgien libre, dont il avait conscience, par ma pudeur et par mon intuition, qu’il connaissait, moi son héritier en chirurgie. J’ utilisais tous les spécialistes, les réanimateurs comme complices amis de mes actes, avec les découvertes les plus modernes, sutures digestives, coelioscopies, ligatures vasculaires, radiothérapie per opératoire.

Il avait visité, résidence du Parc, mon ami Pégullo 63 ans, étant venu de Brest pour sa cholécystectomie le 23 octobre 1983.

Il m’ estimait bien, venu au mariage de mon ainée Jacqueline le 11 octobre 1979, de ma fille Geneviève le 8 octobre 1988.

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Je le voyais souvent l’après midi et sa physionomie immuable, la jeunesse de son esprit, faisant que je ne l’ai pas vu vieillir, bien que sa scoliose, qu’il avait cachée, s’accentue, si nette dans leur visite à l’ Oasis, la maison du Castellet.

 

Le soir du samedi 12 janvier 1991, alors qu’il écrivait sur le Fort Saint-Jean, je reçois un appel affolé, et coure à La Résidence.

Il est torse nu, se redressant et trépident quand on l’intube en urgence, paralysé du côté gauche, sauf la face, aphasique.

Très pessimiste, j’essaye cependant de lui expliquer qu’il récupérera, sur son lit de réanimation. Je le vois longuement tous les jours, son épouse lui tenant la main.

Il a un bonnet blanc kabyle sur la tête

Jean Pégullo arrive de Corse et le voit, le jour de son décès, le 30 janvier 1991, au soir.

 

D’un bras droit élevé, du maitre à son élève, il m’avait retenu, l’index marquant le chiffre un, Dieu, reparti ensuite avec trois doigts, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, montrant sa religion d’antan.

Pensait-il au Boulevard Amiral Pierre, à la caserne Pélissier, à l’admirable balcon surplombant la mer, au jardin Marengo aux escaliers allant de la mosquée Sidi Abderrahman au café mort, puis à la clinique de Verdun, à la rue Bab-el-Oued et ses gâteaux de miel, à la basse Kasbah, au square Bresson, aux rues d’Isly et Michelet, aux bains Padovani, à son service Bichat-Nélaton, à ses promenades aux Aulnays ? Nous ne pouvons que l’imaginer.

Il y avait peu de monde à ces obsèques intimes, Jean Pégullo, les fidèles Henri Garré et Edmond Rosa. Mais son épouse reçut 450 témoignages d’admiration, des Professeurs aux opérés !

 

Que de là-haut tous deux nous protègent, car ils nous ont affectionnés, mon épouse et moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sommaire

 

 

Ernest Goinard et Etienne Curtillet

La carrière exceptionnelle

Bichat et Nélaton

Jean Pégullo

Construction du nouveau Bichat Nélaton

Notre service en 1954

Assistant en chirurgie expérimentale 1956

Personne physique de Pierre Goinard

La Leçon inaugurale 1953

Le programme du Service

Nos publications

Les réflexions de monsieur Goinard

 

L’exil actif, à Marseille, puis à Lyon en 1966

Le départ en 1973

Contrariété avec Jacques Ferrand

Mon avenir clientéliste et sa fidélité

 

Retraite spéculative à Marseille

« L’Algérie, l’œuvre française »

Rassemblement du Corps de Santé

Les journées d’Artigny

L’Antenne médicale

Nos sept Congrès

Essai de réunion des associations

Rétablir la vérité historique

Pérenniser le Souvenir de l’œuvre française

Appel affolé et rappel à Dieu le 30 janvier 1991

 


 

 

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Un modèle du vingtième siècle, 1903-1991. DR. G. PELISSIER
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